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l’intention manifestée par ce ministre de se présenter à la réunion, M. de Salverte invita l’assemblée à examiner s’il y avait lieu de le recevoir.

« Si M. de Mortemart se présente, dit le général Sébastiani, nous devons le recevoir. Il faut examiner quel sera le parti le plus sage et le plus utile à prendre. — Si M. de Mortemart était présent, ajouta M. Mauguin, je demanderais qu’il fût entendu, mais le temps presse et nous ne pouvons pas dépendre de son bon plaisir. »

Entrant dès lors dans le courant des affaires (car la réunion du Palais-Bourbon était plutôt encore la continuation de la réunion Laffitte qu’une chambre des députés), la réunion du Palais-Bourbon s’occupait de confirmer la commission municipale et d’en déterminer les attributions, lorsque le bruit se répandit, tout à coup, que M. Thiers arrivait de Neuilly porteur de l’adhésion de M. le duc d’Orléans à la résistance nationale.

Cela n’était qu’à demi vrai. M. Thiers et M. Scheffer, s’étant, non sans de très grandes difficultés, rendus à Neuilly de leur propre chef, n’y avaient trouvé que la duchesse d’Orléans et Madame Adélaïde. M. le duc d’Orléans lui-même s’était éloigné, afin d’éviter de devenir sous un titre honorifique ou le prisonnier de la cour, ou celui de quelque faction. M. Thiers n’avait donc point vu personnellement M. le duc d’Orléans, mais il avait acquis la certitude que ce prince approuvait la résistance aux ordonnances et on lui avait fait la promesse qu’il serait tenu au courant de l’état des choses et des vœux dont il était l’objet. Cela suffit pour que son nom produisît sur la réunion du Palais-Bourbon le même effet que sur la réunion Laffitte, et ce ne fut qu’à grand’peine que le seul bon royaliste présent à cette séance, M. Hyde de Neuville, obtint quelque répit; sur sa demande, la réunion décida que cinq de ses membres se rendraient au Luxembourg pour s’entendre avec ceux des pairs qui s’y trouvaient réunis.

Les commissaires choisis furent : MM. Augustin Perier, Sébastiani, Guizot, Benjamin Delessert, Hyde de Neuville. Ils partirent sur-le-champ, et la réunion se déclara en permanence jusqu’à leur retour.

Nous les recueillîmes avec empressement. Ils entrèrent à l’instant même en rapport avec M. de Mortemart. L’entrevue lut, de part et d’autre, sincère et cordiale. Le désir d’arriver, s’il était possible, à la réconciliation des pouvoirs publics était égal dans tous les esprits, mais la même difficulté pesait sur tous également.

M. de Mortemart avait qualité et pouvoir pour traiter au nom du roi; mais avec qui traiter? Avec l’Hôtel de Ville? Mais la commission municipale n’avait ni qualité ni pouvoirs ; elle était, en outre,