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Fayette. La conversation s’est engagée sur Grégoire. On a parlé du projet de l’exclure de la chambre Benjamin Constant et M. de La Fayette se sont récriés ; ils ont dit que cela le ferait réélire dans vingt départemens.

« M. de Barante est venu me voir, il a été très aimable ; il m’a parlé de l’ennui général, du dégoût de sa position. « Ce pays-ci, m’a-t-il dit, est un pays où tout s’épuise, parce que tout se dit. Si l’on apprenait la fin du monde, on en parlerait tant, et on ferait tant de phrases là-dessus que l’effet serait épuisé au bout de la semaine. » Il m’a parlé de l’idée qu’avait M. Royer-Collard de proposer à la chambre l’exclusion de Grégoire comme régicide. Je lui ai parlé des inconvéniens. Sans doute, m’a-t-il dit, mais cela pourrait être bon comme commencement de conduite si le ministère était décidé à suivre un plan énergique, à proposer le doublement de la chambre et le changement de l’âge ; ce coup doublement frappé aurait de l’avantage. » Victor n’est point de cet avis, il croit que le précédent serait très dangereux et qu’on aurait le tort le plus grave de mettre les principes du côté d’une cause qui n’a maintenant rien pour la défendre.

« Les familles des condamnés de Grenoble ont demandé au conseil d’état l’autorisation de poursuivre le général Donnadieu… Ce qu’il y a de plaisant, c’est que les sept veuves qui demandent justice de la mort de leurs maris sont toutes les sept remariées.

« Le tort de M. Decazes, dit M. Guizot, c’est de vouloir toujours de petits remèdes aux grands maux ; il croit que tout peut se guérir avec de la tisane. »


« 18 octobre. — Le successeur de M. de Rivière est nommé. Mais le général Dessolle n’a jamais eu le courage de le lui annoncer et l’a laissé repartir pour Constantinople.

« Il n’y a point d’hommes, dit M. Guizot ; j’ouvre tous les matins l’Almanach royal pour y chercher des ministres… C’est une chose inconcevable que cette pénurie d’hommes, que ce souille de mort qui a passé sur le pays. Les ultras ont raison quand ils disent que tout tend à la mort, mais ils sont morts aussi ; ils ressemblent à ce fou qui disait de ses confrères : « Ils sont tous fous, mais moi qui suis le Père éternel, je les juge bien. » C’est la vanité qui a coupé toutes les racines vivantes de ce pays-ci. »

« J’ai demandé à M. de Barante si M. Royer-Collard n’entrerait pas dans le ministère : « Il faut, m’a-t-il répondu, quelqu’un qui ait de l’autorité dans la chambre, et il n’y a que lui. — Mais où sont les difficultés ? — Elles viennent de M. Royer-Collard lui-même. »

« Le Journal des Débats annonce que les royalistes feront du scandale pour empêcher que Grégoire ne prête serment.