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dans les caveaux préparés pour les recevoir. Le secrétaire du trésor se gardera bien de les y troubler, car il y a, en dépit des dispositions de la majorité de la chambre, peu de chances que le congrès force le gouvernement à payer les coupons de la dette ou à rembourser les titres avec la monnaie d’argent. Une proposition de ce genre se heurterait à la même majorité qui s’est formée contre le bill de M. Bland pour la liberté du monnayage. Toute la question se ramène à ceci : combien de temps pourra fonctionner encore le système sans que l’or fasse défaut au gouvernement pour le paiement de ses obligations? Tant que les recettes de l’Union ont présenté de larges excédens sur les dépenses, rien n’était à craindre sérieusement à cet égard, et le plus grave inconvénient de la loi de 1878 était de faire peser sur la population une taxe, parfaitement inutile, sinon de 24 millions de dollars par an, au moins de la différence entre le prix d’achat de cette masse de lingots et le prix auquel on pourrait la revendre. Mais il ne faut pas oublier qu’aux États-Unis l’ère des excédens menace de se fermer, et que M. Manning a déjà déclaré qu’il fallait prévoir pour l’année fiscale 1886-87 un déficit de 25 à 30 millions de dollars.

Bien que les derniers votes du congrès soient de nature à rassurer les intérêts européens, que l’éventualité du rappel de la loi Bland avait, si fort émus à la fin de l’année dernière, les prix du métal argent sur la place de Londres ne se sont pas relevés. On cote même 45 1/2 dollars l’once. On peut tenir cependant pour suffisamment escomptés déjà les effets possibles d’un rappel partiel ou total de la loi Bland, et le mouvement de baisse de l’argent doit sembler épuisé, en tant du moins qu’il peut dépendre d’une action prochaine de la législature américaine. Le premier et principal effet du rappel aurait été de faire arriver un surcroit de 100 à 125 millions de francs d’argent en barres par an sur un marché déjà trop plein. Qu’adviendrait-il de cet encombrement de marchandises et la surcharge trouverait-elle à s’écouler sans provoquer une crise violente? On a disserté sans fin sur ce thème en Amérique et en Angleterre, et il a été généralement reconnu que les craintes émises d’abord étaient exagérées. Les optimistes ont fait remarquer qu’il y a dans le monde bien des pays où la monnaie d’argent est couramment en usage, et que ces pays en peuvent absorber des quantités considérables à chaque nouvel abaissement des prix. Que l’argent fléchisse seulement d’un ou deux points, aussitôt le commerce d’exportation de l’Inde reçoit une vive impulsion. Les blés de la grande péninsule orientale, rapportant davantage à leurs producteurs, viennent faire en Europe une concurrence plus acharnée à ceux d’Amérique et de Russie. D’autres débouchés s’ouvriront