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d’un projet de transaction présenté par M. A. Warner, représentant de l’Ohio. En voici les principaux traits : le trésor fédéral, en plus des certificats émis en représentation des dépôts de dollars argent Bland, émettrait d’autres certificats, sur dépôt d’argent en lingots, à la valeur marchande du métal au moment où le dépôt serait effectué, cette valeur devant être certifiée et fixée le 1er de chaque mois par le gouvernement. Les nouveaux certificats seraient déclarés monnaie légale pour tous paiemens entre le public et le trésor, ou entre les banques, sauf les restrictions d’usage relativement aux cas où le paiement en espèces est expressément stipulé. Le monnayage des dollars argent, ordonné par la loi de 1878, serait provisoirement suspendu, pour n’être repris que lorsque le secrétaire du trésor le jugerait utile en vue de satisfaire à des demandes pressantes de cette monnaie.

Le compromis Warner veut plaire à la fois à ceux qui désirent la suspension du monnayage et à ceux qui désirent continuer à vendre leur argent au trésor. L’idée fondamentale est de donner une valeur courante et légale au métal blanc sans qu’il soit nécessaire de le monnayer. Le trésor n’achèterait pas, au sens propre du mot, les lingots d’argent, comme il le fait aujourd’hui ; il les prendrait seulement en dépôt contre émission de certificats d’après le cours du mois. Mais que l’argent vînt à hausser ou à baisser de prix, le gouvernement resterait toujours tenu de recevoir les certificats au prix d’émission en paiement de tout ce qui peut lui être dû (douanes, taxes, etc.). Quant au remboursement des certificats, il pourrait l’opérer, soit en greenbacks, soit, s’il le préférait, en lingots d’argent, à la valeur marchande du métal au moment du rachat.

Il n’y aurait perte pour le trésor, allèguent les partisans de cette combinaison, que si l’argent venait à baisser entre le moment du dépôt des lingots et l’époque du rachat des certificats émis contre ces mêmes lingots. Or l’objet du compromis est précisément de prévenir toute baisse nouvelle. On peut répondre que la possibilité, ainsi créée, de soutenir les prix de l’argent serait forcément limitée, et que, le jour où l’écoulement cesserait d’être possible pour tous les certificats émis (le nombre et l’importance des dépôts étant illimités), ces papiers se déprécieraient rapidement, entraînant dans leur chute les prix du métal lui-même. Le principal inconvénient de ce plan est qu’il implique la transformation du trésor en un entrepôt de lingots d’argent. Et pourquoi s’arrêter à ce métal? Le gouvernement ne pourrait-il pas, avec autant de raison, être forcé d’émettre des certificats sur dépôt de barres de fer et de cuivre au cours du marché? Sans aller jusqu’à ces conséquences absurdes, le projet Warner aurait toujours ce défaut de