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papier-monnaie fédéral en circulation ; qu’un tel engagement était incompatible avec un paiement en monnaie d’un métal déprécié ; que la tentative de payer soit le capital, soit les intérêts de la dette au moyen de la frappe de dollars argent serait un acte de mauvaise foi, un coup terrible porté au crédit national, et dont il résulterait des pertes autrement considérables que le bénéfice espéré de l’emploi du métal déprécié. Les monométallistes apportaient des considérations d’un ordre général et philosophique : qu’il était insensé de résister à la tendance des nations commerçantes en Europe vers l’adoption de l’étalon unique d’or ; que les États-Unis, s’ils voulaient remonétiser l’argent, se verraient abandonnés de tous les autres peuples dans une entreprise si contraire aux grandes lois commerciales et à l’esprit général de l’époque, etc.

Si le bill de M. Richard Bland avait été adopté par le sénat tel que la chambre l’avait voté, peut-être aurait-il produit tout on partie des maux que ses adversaires en redoutaient. Ce que voulaient les partisans du bill, le silver Ring et les leaders de l’ancienne armée inflationist, c’était que l’argent fût formellement rétabli dans ses droits et privilèges d’étalon monétaire, que la frappe en fût libre pour tous porteurs de lingots et illimitée et que la monnaie d’argent, l’ancien dollar de 412 1/2 grains, servît désormais, au même titre que la monnaie d’or, au paiement des intérêts de la dette fédérale. Il n’échappait nullement aux grands meneurs du parti argentier que l’énorme bénéfice qui serait tiré de la frappe de monnaies d’argent, par suite de la dépréciation considérable du métal en barres, constituerait un véritable larcin au préjudice des porteurs de titres de la dette fédérale, et que la mesure proposée dans ces termes équivalait à une répudiation partielle des engagemens du gouvernement de l’Union. Il faut bien reconnaître que c’est précisément par ce côté le plus fâcheux, le moins recommandable, que le bill Bland était devenu extrêmement populaire, et qu’il avait rallié le gros des forces du parti démocratique.

Mais le bill de M. Bland sortit profondément modifié des discussions du sénat. Plusieurs amendemens furent adoptés qui en altérèrent le principe fondamental. Aussi était-il à peine reconnaissable pour ses propres auteurs, lorsqu’il fut enfin voté le 16 février par 48 voix contre 21, après une séance prolongée jusqu’à cinq heures du matin.

Le nouveau silver Bland bill déclarait bien que le dollar argent (de l’ancien type de 412 1/2 grains) serait legal tender (monnaie légale) à sa valeur nominale, pour le paiement de toutes dettes publiques et privées (sauf le cas de stipulations contraires expressément insérées dans les contrats) ; mais la frappe de ces dollars (on