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Sur les trois premiers points, les démocrates ne subirent que des échecs. Leurs tentatives réitérées se heurtèrent inutiles contre une opposition compacte, intelligente, chargée de la défense des grands intérêts commerciaux et industriels des états orientaux, disposant de l’arme puissante du patronage. Ils trouvèrent de plus dans la majorité républicaine du sénat et dans la personne d’un président inféodé au système de la reprise des paiemens en or un obstacle invincible à la réussite de leurs desseins. Ils furent plus heureux sur le quatrième point du programme, grâce au renfort précieux que vinrent apporter au parti les représentans des états miniers du Pacifique et des territoires du Far-West, restés jusqu’alors étrangers à la lutte. L’intervention de ce groupe actif, riche, très influent dans les couloirs du Capitole, fit passer au premier plan la question de l’argent, la substituant peu à peu à celle des greenbacks, sous la direction du Silver Ring, ou coterie de l’argent. Dans la chambre et au sénat, la coalition des intérêts agricoles du Sud et de l’Ouest et des intérêts miniers de l’extrême Ouest allait reformer les bataillons inflationists ébranlés par une série d’insuccès, et les lancer avec une nouvelle vigueur contre le système économique du parti républicain.


III.

La production des mines d’argent dans les états et territoires du Pacifique, Nevada, Californie, Utah, Colorado, etc., avait pris depuis quelques années une énorme extension. Ces mines, qui rendaient à peine 2 millions de dollars en 1861, en donnaient déjà 12 en 1868, 16 en 1870, 23 en 1871. Le total atteignit 28 millions de dollars en 1872, 35 en 1873, 37 en 1874, près de 39 en 1876, soit environ 40 pour 100 de la production annuelle d’argent dans le monde entier. A cette production d’un accroissement si rapide, atteignant déjà plus de 200 millions de francs par an, il fallait trouver des débouchés. Malheureusement, tant comme une conséquence naturelle de cette énorme accumulation du produit que par l’effet de causes plus générales exerçant leur action dans l’ancien monde, le prix du métal argent n’avait cessé de baisser depuis 1873[1]. L’intensité

  1. La cote, à Londres, pendant les vingt dernières années, s’était maintenue entre 60 et 62 d. ou pence par once de métal. En 1873, on avait fléchi à 57 d., en 1875, à 55 d. En 1876, une panique s’était déclarée et les cours avaient subi d’énormes fluctuations entre les prix extrêmes de 47 et 58 d. La moyenne annuelle de la relation réelle de valeur entre l’or et l’argent, qui s’était tenue si longtemps entre 1 à 15 et 1 à 16, se modifiait donc brusquement. Le 13 juillet 1876, jour où fut coté le plus bas cours sur l’argent pendant cette année de panique, la relation était 1 à 20 1/5, c’est-à-dire que le métal argent perdait plus d’un cinquième de sa valeur nominale monétaire. Les cours ne tardèrent d’ailleurs pas à se relever jusqu’à 58 d. en janvier 1877, pour retomber bientôt à 54 en juin de la même année. Le cours moyen, pour l’année fiscale 1876-1877, fut précisément 54 d. L’once et la relation moyenne de valeur entre les deux métaux, 1 à 17 1/2.