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sur l’un et l’autre point, c’était seulement le 4 mars 1877, deux ans et trois mois après leur première victoire, qu’ils pouvaient entrer en possession complète du pouvoir[1].

Les républicains, le premier moment de stupeur passé, serrèrent vivement les rangs. Lorsque le £3 e congrès se réunit pour sa dernière session, les salles du Capitole ne retentirent que des mots sonores d’honnêteté, de pureté, d’économie, de réforme. Sur le terrain des questions de finances, les leaders du parti jugèrent prudent d’opérer un mouvement de concentration autour de la seule solution compatible avec la dignité nationale et les intérêts bien compris de la population. Dans un caucus de sénateurs républicains, la résolution fut prise de renoncer aux fantaisies de l’inflationism et du greenbackism, et de déployer résolument le drapeau de la reprise des paiemens en espèces. Même les Morton, les Ferry, les Logan et autres républicains de l’Ouest, qui avaient donné, pour se rendre populaires, dans les travers et les préjugés d’une partie des électeurs, abjurèrent leurs erreurs et devinrent des hardmoneymen. Sur une recommandation instante et longuement motivée du message envoyé par Grant en décembre 1874, la majorité républicaine se décida enfin à voter, en janvier 1875, un bill fixant au 1er janvier 1879 la date de la reprise des paiemens en espèces. Tous les démocrates votèrent contre le bill. Les positions étaient ainsi très nettement prises sur les questions monétaires entre les deux partis. Les républicains avaient habilement saisi le bon côté, celui où se trouvaient l’intelligence des vrais intérêts du pays et la conformité avec les doctrines économiques les plus honnêtes. Les questions financières prirent désormais le pas sur toutes les autres dans les préoccupations électorales. En août 1875, la campagne étant près de s’ouvrir pour des élections dans l’Ohio, la lutte se

  1. Ces conditions ne se sont pas réalisées pour le parti démocratique, au moins immédiatement. Ils ont bien été vainqueurs dans l’élection présidentielle de 1876, où leur candidat M. Tilden a obtenu une majorité populaire incontestée. Mais, par un véritable tour de passe-passe politique, c’est le candidat républicain, M. Hayes et non l’élu réel, H. Tilden, qui fut installé à la Maison-Blanche. En 1880, une réaction républicaine, provoquée par des fautes nombreuses du parti démocratique, fit triompher le républicain Garfield; mais, en 1882, sous la présidence de M. Arthur, successeur de M. Garfield assassiné, on vit se produire, de nouveau, en faveur des démocrates dans les élections pour le congrès, un courant aussi favorable que celui de 1874 ; en 1884 enfin, ils ont réussi à porter leur candidat à la présidence de l’Union. Pendant toute la période de 1875 à 1885, sauf la durée d’une législature, ils avaient eu la majorité dans la chambre des représentans; une fois même, ils l’ont eue dans le sénat comme dans la chambre, pendant deux années. Leur retour, sinon au pouvoir, du moins à la participation active dans le gouvernement de l’Amérique, ne date donc pas de l’année dernière, mais bien de 1875.