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LE
SALON DE 1886

I.
LA PEINTURE.

Ce qui manque à notre temps, ce n’est pas, en général, l’activité, mais la réflexion dans l’activité. Les artistes, les plus impressionnables des hommes, subissent plus que tous les autres cette fatalité de l’heure présente ; la fièvre qui les agite, en les poussant à une production hâtive et sans relâche, les condamne fréquemment à créer des œuvres de hasard, sans pensée et sans portée, sans consistance et sans durée. La fréquence toujours croissante des expositions indulgentes, la facilité de jour en jour plus bruyante des succès trompeurs de presse ou de coterie, ne sont pas faites pour calmer cette agitation superficielle qui se termine, en fin de compte, pour un grand nombre, par les déboires les plus amers et par les plus cruelles angoisses. Tant que le régime n’en sera pas modifié, le Salon annuel présentera ce double spectacle, fait à la fois pour susciter les espérances et pour les abattre, pour nous donner confiance et pour nous inquiéter : d’une part, un labeur extraordinaire, ingénieux, ardent, varié, se manifestant chaque année par la confection d’une étonnante quantité de toiles peintes, et, d’autre part, un résultat médiocre, tout à fait disproportionné à la somme d’intelligence,