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refusa personnellement son audience de congé, ce qui, que je sache, ne s’était encore jamais vu.


II.

Le ministère constitué, son premier acte lut de supprimer la direction de la police ; le second, de remplacer par un magistrat, M. de Belleyme, le préfet de police Franchet, que nous nommions, dans notre langage d’alors, l’âme damnée de la congrégation. Le personnel du ministère de la guerre fut rendu au ministre et retiré à M. le dauphin, qui toutefois obtint que son premier aide-de-camp en fût le premier commis. On annonça la nomination d’une commission chargée d’examiner le régime des petits séminaires et d’en finir avec la question des jésuites.

C’était débuter par des actes fermes et sensés. La session s’ouvrit le 5 février. Nous en espérions plus que du ministère, en comparant son origine à l’état des esprits et au mouvement de l’opinion; l’événement, comme on le verra, nous donna tort; le ministère tint plus qu’il ne promettait, et la session moins; je me hâte d’ajouter que ce fut par notre faute.

Mais, avant d’en retracer les circonstances principales, quelques mots sur l’état des affaires extérieures ; un mot, en outre, sur ma situation personnelle.

Je serai bref sur l’un et sur l’autre point.

Ce n’était pas seulement chez nous, qu’en janvier de l’an de grâce 1828, l’administration avait fait peau neuve. Autant en était arrivé de l’autre côté de la Manche. M. Canning, en mourant très mal à propos pour la bonne cause autant que pour lui-même, avait légué à son successeur, lord Goodrich, jadis M. Robinson, un cabinet fait un peu de pièces et de morceaux, c’est-à-dire composé de tories libéraux et de whigs modérés en nombre à peu près égal, assez empêtrés de leur accouplement, et traités sans façon de renégats par leurs partis respectifs. Pour les tenir unis en réalité ou même simplement en apparence, ce n’avait pas été trop, pas même assez de M. Canning en personne : il y aurait fallu un poignet plus ferme encore et un ascendant plus incontesté. Lord Goodrich, manquant de l’un et de l’autre, tory libéral, mais premier, comme on dit en Angleterre, de hasard et par circonstance, n’exerçant aucune autorité sur son troupeau métis et ne pouvant cacher au public, dans un cabinet percé à jour, ce qu’il y avait entre eux, sinon de désunion, tout au moins de décousu, force avait été au roi d’y pourvoir. Il avait d’abord songé à persister dans la bonne voie, c’était son inclination naturelle; il avait cherché à remplacer lord