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soin de faire le reste. De sorte que cinq grandes puissances sont aujourd’hui occupées à bloquer la Grèce ! C’est beaucoup réellement, et si la France, avec sa tentative inutile, ne s’est pas fait un rôle brillant dans toute cette aventure ; il n’y a non plus, il faut l’avouer, rien de bien glorieux dans ce déploiement de tant de forces contre une petite nation.

Le malheur est que la Grèce, victime de cette coercition, s’est un peu exposée elle-même par sa conduite à ces excès de rigueur. Elle n’a pas brillé, elle non plus, dans toute cette affaire. Que les Grecs, fidèles à leurs traditions, gardent leurs espérances nationales, qu’ils aient cru pouvoir rappeler les promesses qui leur ont été faites par le traité de Berlin, rien de plus simple : leur cause trouve toujours facilement des sympathies dans le monde civilisé. Malheureusement, avec toute leur finesse, ils n’ont pas vu que le moment était mal choisi, que l’Europe, sans leur être défavorable, désirait avant tout la paix, que prétendre se mettre en révolte contre ce vœu manifeste de l’Europe était le plus périlleux des défis. La démarche tentée il y a quelques jours par la France leur offrait une dernière facilité : ils n’avaient qu’à se rendre à l’évidence, à accorder du premier coup tout ce qu’on leur demandait, à devancer les sommations qui les menaçaient. Ils ont tergiversé ! Ils expient cruellement aujourd’hui les illusions dont ils se sont enivrés depuis six mois, et la question qui s’agite aujourd’hui à Athènes est de savoir comment on sortira de cette crise, qui prendra la direction de ce pays, froissé par l’action militaire des cinq puissances. Le chef du cabinet, M. Delyannis, a cru devoir donner sa démission, mais celui des chefs parlementaires qui aurait pu le remplacer, M. Tricoupis, ne s’est pas montré disposé à prendre le pouvoir. Un ministère de circonstance s’est formé pour dénouer cette pénible crise. Dans tous les cas, la Grèce ne peut évidemment que se soumettre. Ce qu’elle aurait pu faire par raison, par prévoyance il y a déjà quelques semaines, elle doit le faire aujourd’hui par nécessité, et, après tout, il n’y a aucune humiliation pour un petit peuple à céder devant l’Europe réunie, devant l’intérêt supérieur de la paix.

L’Angleterre est trop absorbée dans l’unique question qui l’émeut aujourd’hui pour s’occuper beaucoup de la Grèce et de l’Orient. Elle laisse toute liberté à lord Rosebery, dont la politique, d’ailleurs, est celle de lord Salisbury et semble se confondre pour le moment avec la politique de l’Allemagne. La grande affaire de l’Angleterre, c’est toujours cette campagne pour la transformation ou la révolution de l’Irlande, qui vient de recommencer plus ardente que jamais à la rentrée du parlement et où tous les partis se retrouvent en présence.

Pendant ces courtes vacances parlementaires qui viennent de finir, M. Gladstone n’est pas allé défendre sa cause dans les réunions, dans