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des proportions aussi constantes ? Un simple coup d’œil jeté sur la production des métaux convaincra aussi l’homme impartial que la cause de la baisse des prix doit être cherchée dans les conditions de la production de chaque article. Le cuivre fin est l’un de ceux qui se sont le plus dépréciés depuis une quinzaine d’années ; mais aussi l’on ne produisait, en 1850, que 45,250 tonnes de ce métal ; en 1860, on n’atteignait encore que 67,370 tonnes, tandis que, en 1870, on arrive à 82,120 tonnes, et, par un bond prodigieux, à plus de 120,000 tonnes en 1880 ; ce chiffre n’est pas la limite extrême, les années postérieures le dépassent. Il n’en va pas autrement du plomb, dont la production était bornée à 104,000 tonnes en 1830 et ne s’élevait encore qu’à 170,500 tonnes en 1850, tandis qu’elle franchit le chiffre de 379,000 tonnes en 1880, ayant ainsi plus que doublé en trente années. La production du fer n’est pas restée en arrière ; au contraire, elle a progressé bien davantage, puisque de 4,280,000 tonnes en 1850, elle a monté graduellement à 10,550,000 tonnes en 1870, puis à 14,230,000 en 1871-80, comme moyenne décennale, et enfin à 19,820,000 tonnes en 1882 ; ici le doublement s’est presque effectué en douze années. L’accroissement de la production du charbon dans l’ensemble du monde civilisé a presque été aussi rapide : contre 62 millions de tonnes de charbon produits en 1882, on met en regard le chiffre de 141 millions de tonnes pour l’année 1860 et celui de 344 millions de tonnes pour l’année 1880 ; en vingt ans, l’augmentation atteint 145 pour 100 environ.

On pourrait poursuivre presque à l’infini cette énumération. Si maintenant, au lieu de s’arrêter à la cause spéciale et précise de la baisse des prix de chaque article, on recherche les causes plus générales, elles sont faciles à trouver ; la question du métal d’argent y est étrangère. Les causes générales peuvent se ramener aux suivantes : le monde entier est beaucoup mieux exploré qu’il y a vingt ans, de sorte que toutes les richesses naturelles, les meilleures terres, les meilleurs gisemens sont plus connus ; les capitaux devenus plus abondans par l’épargne et par le surcroît de l’aisance dans toutes les couches de la population, se trouvent aujourd’hui plus mobiles et plus agiles, plus audacieux, plus disposés à se déplacer et plus rapidement transportables qu’il y a un quart de siècle, de façon que la simple annonce de la découverte d’une richesse naturelle sur un point quelconque du monde amène presque immédiatement des tentatives pour mettre celle-ci en valeur. À ce point de vue, l’essor des sociétés anonymes a eu une importance dont on commence à peine à se rendre compte ; la substitution de cette puissante force collective aux forces moléculaires du capital personnel et isolé a transformé et décuplé parfois l’efficacité de l’épargne. Si les