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en 1885. La décadence de l’exportation est, chez nous, de date un peu plus récente. Le chiffre le plus élevé pour elle se rencontre en 1882, à savoir 3 milliards 574 millions ; depuis lors on va de chute en chute : 3 milliards 451 millions en 1883, 3 milliards 232 millions en 1884, 3 milliards 185 millions en 1885. En quelques années l’importation des marchandises étrangères a donc fléchi chez nous de 818 millions, soit de 16 pour 100, et notre exportation, moins frappée, a diminué de 389 millions, ou de 10 1/2 pour 100. L’écart, sans doute, entre la période passée des années heureuses et la période présente des calamiteuses, est moins considérable en réalité qu’en apparence, grâce à la baisse des prix ; mais cette baisse des prix est elle-même le phénomène qui, par son ampleur et sa constance, inquiète le plus un certain nombre d’observateurs. Il est à peine besoin de rappeler ici les moins-values d’impôts qui sont surtout sensibles pour les taxes frappant la richesse, telles que les droits d’enregistrement, mais qui commencent à se présenter aussi parmi les droits grevant les consommations populaires, comme l’impôt sur le tabac. Nos politiciens, pris au dépourvu, en pleine effervescence de gaspillage à outrance des deniers publics, sont déconcertés de ce complet changement d’allures dans le rendement des taxes. Notre mauvaise fortune n’est pas isolée dans le monde. Pour ne citer que deux exemples : l’Angleterre, où les rouages gouvernementaux, il est vrai, commencent à s’affaiblir et ne jouent plus que péniblement, lutte aujourd’hui contre des déficits, bien moins considérables, toutefois, que les nôtres. Son commerce ne peut se maintenir aux chiffres des dernières années. De 389 millions 1/2 de livres sterling ou 9 milliards 750 millions de francs en chiffres ronds, en 1884, l’importation du royaume-uni fléchit à 373 millions 1/2 de livres sterling, ou 9 milliards 350 millions de francs en 1885, soit 400 millions de francs de moins environ. L’exportation et la réexportation britanniques tombent de 296 millions de livres sterling (7 milliards 400 millions de francs) en 1884, à 271 millions de livres sterling (6 milliards 775 millions de francs) en 1885, ce qui fait ressortir une diminution de 625 millions de francs environ. Sans doute, la baisse des prix, dont nous parlions, tient une grande place dans cet écart, d’autant plus que les statistiques commerciales anglaises suivent de beaucoup plus près que les nôtres le mouvement des prix ; néanmoins l’amoindrissement du commerce réel reste sensible.

Un pays qui, à la différence de la France et de l’Angleterre, jouit, depuis quelques années, d’une administration très prudente et très habile, qui ne commet plus guère de faute financière, qui a su éviter la plupart des entraînemens auxquels les autres peuples