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Mais il y avait deux classes de personnes qui trouvaient un égal intérêt à travestir le sens de l’acte du 27 août et à en fausser la portée : les révolutionnaires, pour en tirer la preuve d’une trahison de la cour et d’un complot tramé par elle avec les étrangers ; les émigrés, pour faire croire à une coalition de l’Europe en leur faveur et déconcerter les révolutionnaires par l’effroi où cette croyance jetterait le peuple français. En cette circonstance, comme dans toutes celles où ils intervinrent, les émigrés ne travaillèrent qu’à ruiner leur cause, à perdre la royauté et à servir la révolution violente. Rien n’était mieux combiné pour exalter les passions. contre la famille royale que la lettre par laquelle Monsieur et le comte d’Artois portèrent à la connaissance du public la déclaration du 27 août. A l’horreur qu’inspirait déjà aux Français l’idée du rétablissement de l’ancien régime se joignit l’épouvante d’une invasion. Les Français se virent attaqués par les princes non-seulement dans leurs libertés civiles et politiques, mais dans leur indépendance nationale. Cette lettre, qui formait un véritable manifeste, est datée de Coblence, le 10 septembre, aussi insultante pour la nation, menacée d’assujettissement et de conquête, qu’outrageuse pour le roi, accusé de lâcheté devant l’Europe et frappé publiquement de déchéance morale.

Transformant en promesses formelles les déclarations dilatoires des souverains allemands, les princes annonçaient que les puissances, « dont ils avaient réclamé le secours » pour le roi, « étaient déterminées à y employer leurs forces, et que l’empereur et le roi de Prusse venaient d’en contracter l’engagement mutuel. » Ils assuraient que toutes les cours étaient dans les mêmes dispositions. La nation anglaise, « trop généreuse pour contrarier ce qu’elle trouve juste, » ne s’opposera certainement pas à « cette noble et irrésistible confédération. » — « L’immortelle Catherine, à qui aucun genre de gloire n’est étranger, ne laissera pas échapper celle de défendre la cause de tous les souverains. » Appuyés ainsi de l’Europe entière, les princes notifiaient à Louis XVI que si la violence le contraignait à souscrire une constitution « que son cœur rejette et que son devoir de roi lui interdit expressément, ils protesteraient à la face de toute la terre et de la manière la plus solennelle contre cet acte illusoire et tout ce qui pourrait en dépendre. » Pour que nul ne pût s’y abuser et qu’aucun doute ne subsistât sur leurs