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à un diplomate étranger un membre de la chambre des lords ; « je vous demande si, du temps de nos guerres civiles, la France a soutenu chez nous le parti des royalistes. » Mercy demeura peu de temps à Londres et s’en alla très découragé : « La veille de son départ, rapporte le chargé d’affaires de France, Barthélémy, il m’a dit : « J’ai toujours été d’opinion que l’Angleterre avait la main dans toutes les malheureuses divisions de votre patrie. Je pars d’ici plus convaincu que jamais de cette triste vérité, et que, contre l’intérêt de toutes les puissances, qui voudraient voir la France reprendre sa force accoutumée, l’Angleterre continuera à chercher à la miner sourdement pour opérer une ruine totale et se frayer ainsi les voies vers la monarchie universelle. » Le roi d’Angleterre écrivit à l’empereur en termes dilatoires. Ses ministres ne se bornaient pas à décliner toute participation au concert, ils en détournaient l’Espagne.

Cette cour avait commencé par de bruyantes rodomontades. En apprenant l’arrestation de son cousin, Charles IV s’écria : « Comment ne s’est-il pas sauvé lui-même par une mort courageuse ? On ne m’aurait jamais ramené vivant dans ma capitale ! » Toute cette vaillance se dépensa en une déclaration pompeuse que le roi fit rédiger par son ministre Florida-Blanca et que son ambassadeur transmit à l’assemblée nationale. Une réponse empressée a l’empereur, quelques mouvemens de troupes sur les frontières et l’expulsion de 30,000 étrangers, Français pour la plupart, complétèrent les mesures de l’Espagne. Cela fait, le courroux tomba et le zèle s’éteignit. « Ce n’est pas, disait Léopold, que l’Espagne soit mal disposée, mais elle est en mauvais état. » Les rassemblemens de troupes ne s’opéraient point ; les soldats manquaient, les caisses étaient vides ; on ne payait même plus le conseil de Castille. La cour essaya de négocier un emprunt à Gênes et un autre en Hollande : elle eut toutes les peines du monde à se procurer 400,000 piastres qu’elle avait promises au comte d’Artois. Ajoutez des difficultés avec le Maroc, qui finirent par une déclaration de guerre. Par-dessus tout, la crainte de l’Angleterre. S’engageant dans une lutte contre la France, l’Espagne découvrait ses colonies et les livrait aux entreprises des Anglais. Ceux-ci ne laissaient point de nourrir les inquiétudes ; ils menaçaient à tout propos et disputaient sur les moindres précautions que les Espagnols prenaient du côté de la mer. Entravée de la sorte, l’Espagne ne pouvait que tergiverser. Burke la comparait à une baleine échouée qui suffoque sur la grève. Dès le commencement d’août, Charles IV considérait que Louis XVI pourrait fort bien s’accommoder d’une constitution, que ce serait même le meilleur des dénoûmens, car, de l’humeur dont étaient les Français, une guerre contre eux aurait peu de chances de conduire à des