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moyens coercitifs, la France, par un mouvement tout personnel, tout amical, a cru pouvoir faire une suprême tentative. La France a parlé à la Grèce en amie ; elle lui a représenté que, par ses résistances à l’Europe, elle courait « au-devant d’une catastrophe ou d’une humiliation, » et le cabinet d’Athènes, menacé d’ailleurs d’un ultimatum déjà tout prêt, a accordé à la France, non sans quelques réserves, il est vrai, ce qu’il avait refusé jusqu’ici à l’Europe. Malheureusement ce qui paraissait tout simplifier est au contraire ce qui a tout compliqué. Les représentans des puissances, sans s’arrêter à la concession peu précise faite à la France, n’ont pas moins remis leur ultimatum, et quelques navires européens ont même paru dans les eaux du Pirée. La Grèce, à son tour, blessée de l’insistance de l’Europe, ressaisie par l’irritation, par ses ardeurs belliqueuses, a parlé de nouveau de résister, et l’imbroglio s’est trouvé plus obscur, plus envenimé que jamais. Que peut-il sortir maintenant de cette crise où la France est exposée à rester seule avec sa démarche inutile, avec sa médiation à demi désavouée ? Le gouvernement français a, sans nul doute, obéi aux plus légitimes sentimens de sympathie. S’est-il cependant bien rendu compte de ce qu’il faisait ? C’était un peu naïf à lui de croire que l’Europe l’accepterait comme médiateur, comme pacificateur dans son différend avec le cabinet d’Athènes, qu’elle laisserait à la Grèce la satisfaction de n’avoir cédé qu’à la France, à la France l’honneur d’une solution heureuse, en gardant pour elle l’odieux d’une menace de la force contre la faiblesse. Il y avait là des points délicats sur lesquels on n’a peut-être pas assez réfléchi avant de s’engager dans cette aventure dont on ne voit pas bien l’issue. Tout ce qu’on peut souhaiter, c’est que pour une démarche d’apparat, M. le président du conseil ne se soit pas exposé à servir l’influence française en Grèce aujourd’hui comme il l’a servie il y a quelques années en Égypte.

La campagne engagée en Angleterre pour les affaires d’Irlande aura sans doute à passer par bien des péripéties avant d’arriver à un dénoûment. Elle ne s’interrompt pas pour quelques jours de congé pris par le parlement à l’occasion de la fête de Pâques. Elle continue, au contraire, plus vivement dans le pays, d’autant plus vivement que M. Gladstone, à la veille de ces courtes vacances, a dit le dernier mot de la révolution qu’il médite ; il a divulgué tout son secret. Il avait commencé par exposer, il y a quelques semaines, la première partie, la partie politique de son système, tout ce qui touche à l’organisation de l’autonomie irlandaise, à la semi-indépendance parlementaire et administrative de l’île sœur ; il a complété, l’autre jour, ses communications en portant au parlement la deuxième partie de ses vastes projets, en présentant son plan agraire et financier, la loi réglant le rachat des terres appartenant aux landlords, et, ce qui est le plus curieux