Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

baccalauréat ès-lettres, il savait assez bien le latin, médiocrement le grec, les langues vivantes et la géographie ; il avait des notions très suffisantes de mathématiques, de physique et même de chimie. Quant à l’histoire, il en connaissait parfaitement la suite ; peut-être, interrogé sur Etienne Dolet ou sur La Boëtie, n’eût-il pas répondu brillamment, mais, sur Charles VII et Louis XI, sur Henri IV et Louis XIV il ne bronchait guère. Aujourd’hui la grande majorité des candidats se présentent à l’examen un peu plus forts en langues vivantes et en géographie, mais incapables de traduire à livre ouvert une page de Tite Live ou de faire une version qui ne soit d’une pauvreté déplorable. On n’ose plus leur donner de textes tirés des poètes, car, depuis la suppression du vers latin, ils ne savent plus déchiffrer même un hexamètre ; on les emprunte aux auteurs qu’on expliquait autrefois en troisième. Cependant, malgré toutes ces précautions, les copies sont remplies de fautes grossières et, pour pousser l’admissibilité jusqu’à 45 pour 100, il faut, a pu dire un professeur de faculté, « des prodiges d’indulgence. »

En français, la faiblesse est moins accusée ; mais il s’en faut de tout que les élèves aient regagné de ce côté ce qu’ils ont perdu du côté des langues anciennes. Peut-être, et c’est en ce point seulement qu’il y aurait vraiment quelques progrès, l’histoire littéraire leur est-elle moins inconnue qu’à leurs prédécesseurs. Ils ont entendu parler du Roman de la Rose et possèdent quelques données sur les écrivains de la Renaissance. Toutefois, ils n’écrivent pas mieux depuis que la composition française a remplacé depuis la troisième la composition latine ; au contraire, et leur orthographe elle-même est devenue si défectueuse que la Sorbonne s’est vue réduite à demander la création d’une nouvelle maîtrise de conférences dont le titulaire aurait pour principale occupation de corriger des devoirs de français aux étudians de la faculté des lettres. Enfin, pour clore ces critiques par une observation d’ensemble, la culture générale est en pleine décadence. Les candidats ont l’esprit meublé d’un plus grand nombre de menus faits ; ils l’ont moins ouvert et moins bien préparé aux études du degré supérieur. Quand ils les abordent, beaucoup, même parmi les boursiers de licence ou d’agrégation, sont d’une telle ignorance que leurs maîtres doivent reprendre en sous-œuvre avec eux les principales matières de seconde et de rhétorique. Voilà jusqu’ici, de l’aveu des facultés elles-mêmes[1], le plus clair profit que l’enseignement secondaire ait tiré des nouvelles méthodes et des programmes de 1880.

  1. Toutes les critiques et tous les faits qui précèdent sont empruntés à des rapports de facultés.