Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos troupes à Toulon pour franchir le Rhin. Ils voulaient conjurer l’intervention à tout prix ; n’était-elle pas la condamnation de leur politique ?

M. Nigra ne ménageait pas les démarches, il se servait de la parole et de la plume pour plaider la cause de son pays. Il allait à Biarritz pour impressionner et attendrir l’empereur. Les entretiens et les communications de chancellerie ne lui suffisaient pas ; il écrivait des billets familiers, confidentiels ; il était censé ne parler qu’en son nom et ne paraissait s’inspirer que de son affection pour la France. L’occupation des états pontificaux par l’armée italienne sous le prétexte d’y rétablir l’ordre et de sauver le pape, telle était la solution qu’il poursuivait au nom de son gouvernement avec une infatigable ardeur.

Tout s’enchaine en politique, tout obéit à une logique fatale. L’Italie s’était engagée à défendre les frontières romaines contre toute agression, et la France avait pris, vis-à-vis du pape et des catholiques, l’engagement d’honneur de veiller à la loyale exécution de la convention de septembre. Le cabinet de Florence se refusait à son rôle, le gouvernement de l’empereur ne pouvait manquer au sien. Nous étions condamnés, malgré nous, au risque des plus graves complications, à reprendre, pour la seconde fois, à Rome, une faction ingrate, à couvrir de notre drapeau des idées contraires à l’esprit moderne et aux principes de notre politique.


IV. — LA CRISE A FLORENCE.

Les regards de l’Europe ne se reportaient plus vers Biarritz, que M. de Bismarck, dans d’autres temps, appelait sa fontaine de Jouvence. Napoléon III y vivait triste et solitaire. La villa Eugénie, où jadis s’épanouissaient de glorieuses et parfois de folles pensées, avait pris un aspect sévère ; les soucis chassaient les plaisirs ; on n’y recevait plus que des nouvelles troublantes ; de quelque côté que l’empereur tournât les yeux, l’horizon apparaissait menaçant. En Italie, la révolution se jetait sur Rome ; en Allemagne, la Prusse procédait à une transformation inquiétante pour notre sécurité ; en Orient, la Russie révélait l’impatience de ses ambitions : la France se trouvait enveloppée dans un cercle d’hostilités et d’ingratitudes. Notre politique surprise, irrésolue, ou résolue trop tardivement, en était réduite aux regrets, aux angoisses et parfois aux alarmes. Quelles que fussent les intentions pacifiques de l’empereur, il ne pouvait plus arrêter la marche des événemens. Il était atteint dans son prestige, il avait laisser péricliter son armée, et il n’avait su ni garder ses alliés ni contenir ses ennemis. Souvent les fautes d’un