Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/903

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

3,400,000 hectolitres, il produit par an 760 millions de francs. La perception, comme en Amérique, est concentrée dans les usines. Dans les Pays-Bas, le droit est de 230 francs par hectolitre d’alcool pur et rapporte environ 47 millions de francs. Dans les autres pays du nord de l’Europe, les tarifs sont très faibles. En Autriche-Hongrie, le droit est de 26 fr. 75 par hectolitre, en Danemark, de 30 francs, en Belgique, de 55 francs. J’ai fait connaître déjà les droits très faibles qui sont perçus en Allemagne ; l’impôt y est payé à la distillerie.

Nous pourrions prendre une moyenne entre les chiffres précédens et porter le droit à 300 francs, en substituant ce taux unique à celui de 156 fr. 25, qui se compose d’un principal et de deux décimes et demi, lesquels compliquent sans nécessité la comptabilité et la perception. Cet impôt de 300 francs est celui qui fut proposé en 1871 par M. Laboulaye à l’assemblée nationale, au nom de la commission nommée pour la répression de l’ivrognerie. L’assemblée jugea que c’était assez faire que de le porter de 90 francs à 150 et eut raison, parce qu’en pareille matière il faut se garder des exagérations qui conduisent tôt ou tard à la nécessité d’un dégrèvement, comme cela est arrivé en Amérique. Le relèvement de 148 fr. 75 par hectolitre procurerait au trésor un bénéfice annuel de 164,987,296 francs en nous basant sur le budget de 1881, et la consommation diminuât-elle d’un quart, la plus-value suffirait encore pour permettre de dégrever le vin, le cidre et la bière[1]. Cette idée a déjà été émise par l’administration. Il existe, dans les bureaux du ministère des finances, un projet de loi remontant à cinq ou six ans, émanant de M. Rocou, directeur général des contributions indirectes, et dans lequel la proposition en est faite en termes précis. Cette mesure tendrait directement au but que vise l’hygiène et qui consiste, comme je l’ai dit, à favoriser la consommation des boissons fermentées, au détriment de celle de l’alcool. Il faut convenir toutefois que l’élévation des droits serait plus profitable pour le fisc que pour l’hygiène, si elle ne s’appuyait pas sur une répression énergique de l’alcoolisme.

De tout temps et dans tous les pays, des pénalités ont été instituées contre l’ivresse, depuis le code de Dracon, qui la punissait de mort, jusqu’à la loi française du 13 février 1873, qui se contente d’une amende de 1 à 5 francs. Cette loi suffirait, malgré son indulgence, si on voulait s’en servir. Dans les premières années où elle a

  1. En 1884, les droits de détail, de consommation et d’entrée sur l’alcool, l’absinthe et les liqueurs, ont rapporté plus de 245 millions au trésor. (Léon Say, Journal des économistes, janvier 1885, p. 113.)