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ses-fidèles la majorité des Anglais[1]. Il est oiseux de montrer quels argument et quelles facilités cela, seul offre aux partisans de la séparation ou de « la libération, » comme disent les non-conformistes, qui, en réclamant le disestablishment, font profession de réclamer l’affranchissement de l’église dont ils combattent les privilèges. Moins l’église établie compte de membres et moins le disestablishment froisserait de consciences, moins il blesserait d’intérêts, moins le gouvernement, en rompant les liens actuels, doit craindre de former un état dans l’état.

Ce ne sont pas là les seules différences entre les deux pays et les deux églises de France et d’Angleterre. A l’inverse du catholicisme en France, l’anglicanisme est une véritable religion d’état, en possession de privilèges politiques et d’avantages matériels qui fournissent à ses adversaires-une double base d’attaque. Si elle n’a plus, de même que les communes et les lords, ses assemblées, ses convocations, l’église a ses représentans au parlement. Ses évêques ont gardé leur banc à Westminster ; ses curés, ses parsons, jouissent de certaines prérogatives honorifiques. L’anglicanisme a, jusqu’en. 1880, régné en maître dans les universités. C’est la main de ses évêques qui sacre les rois. Ce sont ses ministres qui sont les aumôniers de l’armée et de la flotte ; ce sont ses prières que l’on récite au parlement devant les représentans de la nation, car les lords et les communes, tout comme naguère nos écoles, ouvrent encore leurs séances par une prière. Tous ces privilèges, déjà bien amoindris depuis un demi-siècle, lui seraient peut-être pardonnés si l’église ne possédait des revenus qui lui valent bien des ennemis.

Ce que l’église anglicane a surtout contre elle, ce sont ses richesses qui offrent un appât aux convoitises des politiciens ; ses richesses dont rien sur le continent ne saurait plus donner idée. Elle ne reçoit pas, comme l’église de France, de parcimonieuses allocations de l’état ; elle a ses biens, conservés et grossis à travers les siècles, de façon qu’au lieu d’un traitement d’une quinzaine de mille francs, elle sert annuellement à ses évêques, 200,000 ou 300,000 francs de rente. Et ces biens, compromis par leur énormité même, on peut lui objecter que, pour une bonne partie, elle n’en a pas hérité légitimement, beaucoup ayant été légués à la mère contre laquelle l’anglicanisme s’est révolté, à l’église catholique, à ses évêques ou à ses moines, dont Henri VIII et ses successeurs ont partagé les dépouilles entre leur noblesse et leur clergé. En outre de ses biens, l’église anglicane perçoit encore la dîme, restée, dans la tenace

  1. Il n’y a pas de statistique officielle des confessions religieuses, les dissidens s’y étant toujours opposés.