Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les vides de leurs revenus publics et privés, la Grèce sera bientôt sillonnée de chemins de fer ; on pourra visiter sans peine tous les « tas de grosses pierres » que ses anciens habitans ont laissés.


I.

Sous la domination des Turcs, les recherches locales, en pays classique, étaient bien malaisées. On ne trouvait dans ces provinces ni sécurité, ni moyens de vivre. Cet état de choses existe encore dans les pays au nord de la Grèce et dans l’Asie-Mineure. En 1879, pendant les trois mois que j’assistai M. Schliemann dans ses fouilles de Troie, nous travaillions sous la garde de soldats bien armés et nous vivions en grande partie de conserves ; cela, à deux pas des Dardanelles, à quelques heures de Constantinople. Les Asiatiques qui avaient servi dans la dernière guerre, et que le gouvernement turc avait licenciés, n’avaient point regagné leurs foyers; ils s’étaient répandus par petits groupés dans les provinces d’Europe et d’Asie; là, ils tenaient les campagnes dans la terreur et pillaient les boutiques, en pleine ville de Smyrne, en plein jour. Avec l’indépendance, la Grèce n’avait pas conquis du premier coup la sécurité ; mais elle l’obtint peu à peu, en proportion de sa prospérité croissante et de l’action du pouvoir central dans les provinces. Aujourd’hui, elle est un des pays du monde où les savans trouvent le plus de facilités pour leurs travaux.

Barthélémy, dans son Voyage du jeune Anacharsis, sans avoir vu la Grèce, en avait admirablement préparé l’étude. L’expédition de Morée, comparable à l’expédition d’Égypte, accomplit une grande tâche. Outre la carte topographique du Péloponèse et de quelques îles, elle établit ce qu’on nomme en langage technique la synonymie, c’est-à-dire la correspondance exacte des anciens noms et des noms modernes pour les montagnes, les cours d’eau, les villes, les villages. Par là elle donna une base à toute recherche ultérieure d’archéologie et d’histoire. Cet énorme travail fut si bien fait que depuis lors presque rien n’a été changé dans les résultats obtenus par elle. Si je rappelle ici l’œuvre magnifique de l’expédition de Morée, c’est parce que les érudits de nos jours font parfois trop aisément le sacrifice de leurs devanciers. Cette mission française avait en outre donné l’exemple et démontré l’importance des fouilles. Elle avait peu de temps et peu d’argent à y consacrer : d’ailleurs, ce genre de recherches s’écartait du but qui lui avait été assigné. Cependant elle fouilla dans la petite plaine triangulaire d’Olympie ; elle avait moins pour objet d’y découvrir des monumens