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cette nature à la fois riche et variée, originale et pleine de sève qui s’étalait au bord des lacs tertiaires, s’agitait non loin de leurs plages ou peuplait le fond de leurs eaux. — D’abord l’absence à peu près complète de fossiles à la base des dépôts, généralement détritiques, impropres par cela même à en favoriser la transmission, nous enlève forcément la connaissance des êtres de ce premier âge. Tout ce qu’il est possible d’en saisir se rattache à l’action sidérolithique qui s’exerça alors sur une grande échelle et à laquelle sont dus spécialement les minerais de fer du Jura. Ceux-ci, extrêmement abondans par place, se présentent sous l’apparence de grains concrétionnés, distribués en amas : ils remplissent certaines poches ou bien ils colorent en rouge des amas d’argile. En Provence, surtout au nord de la vallée d’Apt, ce sont aussi des argiles ferrugineuses, ou des grès lustrés, ou, enfin, des minerais exploitables. Le phénomène sidérolithique est attribué à des sources thermales ferrugineuses, dont l’âge est d’ailleurs fixé par les ossemens de mammifères éocènes qu’ils contiennent. Selon M. Greppin, il aurait dépendu d’éruptions boueuses et chaudes[1] ; mais les deux explications se touchent et se confondent, et, pendant la durée entière de la période des lacs, les eaux thermales, amenant des profondeurs à la surface des substances minérales dissoutes, pour les déposer, n’ont cessé de jouer un rôle important que l’examen des couches, alors en voie de formation, nous révèle et qui n’est pas sans relation avec les émissions de gaz méphitique et les épanchemens basaltiques dont la présence se trouve également constatée.

En s’élevant dans la série, on voit constamment les assises lacustres se régulariser et les élémens détritiques faire place à des lits calcaires dont la blancheur, la finesse, souvent la ténuité, dénotent des eaux pures, chargées d’une faible proportion de carbonate de chaux et le déposant par quantités limitées, tandis que les sources thermales, à l’exemple de ce qui a lieu maintenant en Islande, au pied de l’Hékla, amenaient de la silice à l’état gélatineux. La multitude de petites coquilles agglomérées que les gâteaux consolidés de cette substance ont retenues atteste l’attrait de ces êtres pour le voisinage des eaux chaudes. La multiplication des mollusques paludéens au contact des sources thermales a été observé de nos jours par les voyageurs, le long des rives de la Mer-Morte, dans des conditions analogues à celles qui prévalaient en Provence, à l’époque de la formation des gypses tertiaires. L’origine des gypses eux-mêmes a été l’objet de bien des conjectures, parfois hasardées ou singulières. Le fait très connu que l’eau de mer

  1. Lapparent, Traité de géologie, p. 1021.