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fallait son bonheur et son habileté pour se tirer des fautes qu’on avait laissées s’accumuler.

La péninsule était profondément troublée au printemps de 1867. Rome était le mot d’ordre des révolutionnaires, ils annonçaient que le drapeau national ne tarderait pas à flotter sur les sept collines. Le roi était perplexe, il ne savait quel parti prendre, à quels conseils s’arrêter devant les manifestations patriotiques qui éclataient sur tous les points du royaume. Il était partagé entre son ambition et la crainte de se brouiller avec la France. L’opinion le poussait à Rome ; il lui était difficile de lutter, sans engager son prestige, contre le courant qui entraînait tous les partis, et cependant il n’ignorait pas que jamais l’empereur ne lui permettrait de toucher au pape. Le gouvernement français témoignait, par l’active surveillance qu’il exerçait dans la péninsule, que sa résolution de protéger le saint-siège contre toute agression était inébranlablement arrêtée. Sa diplomatie signalait, avec une infatigable sollicitude, au cabinet de Florence, toutes les menées du parti révolutionnaire ; elle le rappelait, sans se lasser, à l’exécution de ses engagemens.

Après la chute du général de La Marmora, le partisan le plus loyal et le plus résolu de l’alliance française, le roi avait appelé le comte de San-Martino. C’était un patriote peu fait aux mœurs des cours : il disait ce qu’il pensait. Il conseilla à son souverain de faire une part à la gauche dans la composition du cabinet ; son programme écartait les solutions violentes, il comportait une étroite entente avec la France, une alliance offensive et défensive en échange de l’occupation des états pontificaux : Rome seule pouvait réconcilier le Piémont et conserver Naples à l’Italie. Il recommandait aussi un changement radical dans la façon de gouverner et d’administrer le pays. M. de San-Martino poussa le franc-parler jusqu’à faire comprendre à sa majesté la nécessité d’apporter des modifications à ses habitudes. Le roi le remercia de sa franchise, il l’embrassa même, mais il ne lui confia pas la mission de former un ministère. Le lendemain, il s’adressait à M. Rattazzi, qui, loin de se préoccuper de sa manière de voir et d’agir, se servait de ses faiblesses pour maintenir et fortifier son crédit. Sans principes et sans préjugés, il cherchait ses points d’appui là où il les trouvait. La France a connu de ces ministres ; Bernis, autrefois, n’a dû son élévation qu’à des influences qui s’exerçaient sur les passions de son maître.

M. Rattazzi était souple, insinuant, habile à flairer le vent ; il était « ondoyant et divers. » Il avait poursuivi autrefois une indissoluble union avec la France, et il nous avait donné des gages manifestes de sa sincérité en frappant Garibaldi à Aspromonte. Sa