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septembre 1864 amènerait plus ou moins rapidement la chute du pouvoir temporel. On comptait sur la propagande des comités secrets pour soulever les populations romaines ; on ne doutait pas que, l’armée française partie, le mécontentement ne provoquât contre le régime pontifical une révolution qui fournirait au cabinet de Florence un prétexte pour intervenir et pénétrer dans Rome. Ce n’était plus qu’une question d’opportunité. Les ardens s’appliquaient à précipiter le mouvement, les politiques le laissaient se produire, bien décidés à en profiter. Ils spéculaient sur un conflit éventuel entre la France et la Prusse, surtout sur la faiblesse de l’empereur ; ils comptaient aussi sur l’assistance morale du cabinet de Berlin. Le langage des agens prussiens, secrets ou officiels, n’était pas de nature à les décourager : le comte d’Usedom affichait ses sympathies pour Garibaldi, il pactisait ouvertement avec ses amis. On savait aussi qu’un officier détaché de l’armée prussienne, M. Bernardi, que nous devions retrouver en 1870 à Madrid, mêlé à l’incident espagnol, avait de secrètes connivences avec la presse radicale et le parti révolutionnaire.

La politique et les sentimens de l’Italie s’étaient transformés depuis 1866 ; elle ne se retournait plus vers la France, elle cherchait son point d’appui à Berlin. Pour colorer son évolution, elle s’en prenait à nos procédés ; elle se disait humiliée, elle nous reprochait de l’avoir empêchée de conquérir la Vénétie à la pointe de son épée pour nous réserver la mince satisfaction d’amour-propre de la lui rétrocéder ; elle nous rendait responsables de la convention du 15 septembre, qu’elle considérait comme un obstacle à ses revendications nationales. Ses griefs étaient imaginaires, mal fondés. L’empereur ne méritait pas les reproches dont l’Italie l’abreuvait. S’il avait péché, c’était par excès de sollicitude pour ses destinées ; il ne s’était préoccupé que d’elle à la veille de la guerre de Bohême, il lui avait subordonné l’intérêt de la France. Il avait obtenu de l’Autriche, en échange de notre neutralité, qu’en tout état de cause, quelle que fût l’issue de la lutte, elle lui abandonnerait la Vénétie pour la rétrocéder à l’Italie. Aucune arrière-pensée humiliante pour l’amour-propre italien n’avait inspiré la convention du 12 juin 1866, signée avec l’empereur François-Joseph ; et le cabinet de Florence, certes, eût accepté Venise de nos mains avec reconnaissance si, aux défaites de l’Italie, s’étaient ajoutées celles de la Prusse. Quant à la convention du 15 septembre, elle était moins notre œuvre que celle du cabinet de Turin. Le marquis de Pepoli était venu la proposer à l’empereur ; elle devait apaiser la question romaine et donner de la force au roi pour réagir contre les menées révolutionnaires. Elle devait aussi,