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arrivait à peu près aux mêmes conclusions pratiques que M. George. L’auteur y considérait successivement la grande propriété terrienne en Angleterre, en Irlande et en Écosse, puis la petite propriété telle qu’elle existe dans la plupart des autres contrées de l’Europe, et il montrait que le morcellement du sol ne résout pas la question sociale, n’empêche pas la persistance de la misère ; après quoi il écrivait deux longs chapitres sous les rubriques suivantes assez claires par elles-mêmes pour que nous n’ayons pas à entrer dans plus de détails : « Baisse des salaires et paupérisme, conséquence directe de l’appropriation du sol. » — « Restitution de la terre à la nation, seule manière de résoudre complètement la question agraire. »

On le voit, sans s’être concerté avec le publiciste américain, le savant anglais se rencontrait avec lui ; avant de terminer son livre, il put encore prendre connaissance de Progrès et Pauvreté et saluer son auteur comme son chef de file. Toutefois M. Wallace se séparait de M. George sur un point important. Il n’admettait pas qu’on pût confisquer le sol sans en indemniser convenablement les propriétaires, et il leur assurait une compensation raisonnable pour l’abandon de leurs droits, au moyen d’une rente annuelle sur l’état, réversible à leurs héritiers pendant un certain nombre de générations, qui devrait être fixée par une loi. Il ne pourrait selon lui être question d’une rente perpétuelle, car ce serait alors reconnaître implicitement que l’appropriation de la terre est légitime. Les « tenans » qui cultivent aujourd’hui la terre des autres deviendraient ainsi les fermiers de l’état, et n’auraient plus à craindre « d’éviction ; » personne ne pourrait affermer de la terre que pour la travailler, et sans possibilité de la sous-louer à d’autres.

Mais revenons à M. George et à sa tournée de propagande en Angleterre. Disons en passant qu’il n’y était pas connu seulement par ses ouvrages, mais que deux ans auparavant il avait pris en Irlande une part directe à la campagne entreprise en vue d’amener une réforme de la législation agraire, et fait à cette occasion plusieurs conférences qui avaient en un certain retentissement. C’en était assez pour que tous les Irlandais lancés dans ce mouvement l’acclamassent et acclamassent avec lui ses doctrines. C’était déjà un noyau. Nous avons dit qu’une invitation à franchir une deuxième fois l’Océan Atlantique lui avait été adressée par l’Union pour la réforme agraire. Ce n’était pas, on Angleterre, la seule association qui poursuivit un but analogue au sien ; il en rencontra encore d’autres, et en particulier la ligue écossaise pour la restitution du sol (Scotch Land Restauration League). Il y trouva aussi des journaux voués à la défense d’un socialisme qui n’était pourtant pas