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importante dans l’histoire de la pensée économique tant en Angleterre qu’en Amérique[1]. » Mais il importe d’entrer dans quelques détails. Nous commencerons notre enquête par les États-Unis.

M. George ne pouvait espérer de la bourgeoisie de son pays un accueil empressé. Ce n’est pas dans ses rangs qu’il avait chance d’être reçu à bras ouverts et d’opérer bien des conversions. Un de ses biographes signale, il est vrai, le cas d’un homme possédant de grandes terres et qui fut si enchanté de la manière dont Progrès et Pauvreté disait leur fait aux propriétaires fonciers, qu’il s’empressa d’acheter vingt exemplaires de cet ouvrage pour les distribuer à ses domestiques et à ses employés. Mais de tels succès ont dû être rares.

Le réformateur californien a pu toutefois s’estimer heureux de l’attention qui lui a été accordée par ses adversaires. Il n’a pas eu à souffrir de la conspiration du silence. Ses doctrines ont été discutées dans d’innombrables articles de journaux et de revues, dans des études spéciales, dans des conférences. On a même vu un important périodique qui se publie à New-York, le Harrper’s Weekly, donner en primeur à ses abonnés, au risque de s’attirer bien des réclamations, qui, en effet, ne lui ont pas manqué, un des livres de M. George, les Problèmes sociaux, du premier au dernier chapitre.

Mais voici, entre tous les encouragemens que le fondateur du nouveau socialisme agraire a rencontrés dans le camp de ses opposans, celui qui l’aura, croyons-nous, le plus touché. S’il n’a pas opéré, à proprement parler, de révolution au sein de la classe aisée et cultivée, c’est pourtant un fait indéniable que son influence est sensible dans un petit nombre de publications qui ont vu le jour pendant ces dernières années et qui sortent de ce milieu-là. Sans remonter bien haut, nous citerons un livre paru il y a quelques mois seulement de l’autre côté de l’Atlantique. Il a pour auteur M. Charles-A. Washburn, frère de l’ancien ministre des États-Unis à Paris et qui a lui-même représenté son gouvernement dans le Paraguay, d’où il a rapporté un volume de voyages et de souvenirs auquel on accorde du mérite. M. Washburn, qui vit en ce moment dans une jolie campagne, située dans le New-Jersey, à quelques heures de New-York, a voulu étudier ce qu’il appelle l’évolution politique[2] : : c’est le titre de son livre. Or, en fait d’évolution, voici la théorie qu’il préconise : un impôt unique sur la terre, fortement progressif, presque nominal pour les très petites propriétés, mais s’accroissant, passé une certaine limite, avec

  1. Recent American Socialism, by Richard F. Ely ; Baltimore, april 1885, p. 16.
  2. Political Evolution, by Charles A. Washburn ; Philadelphia, Lippincott.