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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Le marché financier a été pendant la première moitié de mars entièrement placé sous l’influence de l’attente des décisions que le ministère devait prendre pour l’établissement du budget de 1887.

Depuis longtemps déjà, ce n’était plus un secret pour personne que notre situation budgétaire, aggravée chaque année par l’accumulation des déficits, l’exagération des dépenses de toute sorte et l’accroissement démesuré de la dette flottante, exigerait l’émission d’un emprunt de liquidation. Le gouvernement a reculé pendant toute l’année dernière devant la responsabilité de l’adoption d’une mesure aussi radicale. Il s’en est tenu aux expédiens habituels de trésorerie. Au commencement de cette année, le ministère déclarait encore qu’il se faisait fort d’établir l’équilibre du budget de 1887 sans recourir à l’emprunt et sans imposer aux contribuables de nouvelles charges.

La pression de plus en plus vive des besoins du trésor, la perspective d’importantes moins-values dans le rendement des impôts en 1886 (23 millions pour les deux premiers mois de l’exercice); d’heureux changemens dans la situation des affaires de l’Europe orientale, le maintien de la paix assuré par la signature de la paix serbo-bulgare, par l’assentiment des puissances à l’arrangement bulgaro-turc et par la soumission de la Grèce aux injonctions du concert européen, enfin la formation d’un courant d’opinion en faveur de l’emprunt dans le monde de la finance, ont eu raison des hésitations du ministère. Le projet de budget que M. Sadi-Carnot a présenté samedi à ses collègues et au président de la république, et que le conseil a adopté, comporte la grande opération financière tant de fois ajournée.

Un emprunt de 1 milliard en 3 pour 100 perpétuel sera émis dans le courant d’avril et servira : 1er  à rembourser les obligations sexennaires pour un montant total de 618 millions, dont 468 en circulation, et 150 figurant au budget extraordinaire de l’exercice 1886 ; 2° à consolider 382 millions de la dette flottante.

On sait que la déclaration ministérielle du 16 janvier promettait la suppression du budget extraordinaire, toutes les dépenses dont il se composait. pour la guerre, les travaux publics, les colonies, devant désormais rentrer dans le budget ordinaire. Mais celui-ci se trouvant grossi d’autant. M. Sadi-Carnot a calculé que l’écart entre les dépenses et les recettes en 1887 atteindrait environ 100 millions, même après