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son parlement, assez libéral pour garder sa popularité, et en même temps assez modéré pour avoir au besoin l’appui des modérés, assez sage surtout pour épargner à l’Italie les expériences intérieures ou les aventures extérieures trop périlleuses. M. Depretis, avec son art déjouer les oppositions et les difficultés, a réussi à vivre, à durer plus que les autres, et c’est peut-être la raison la plus décisive de la campagne qui vient d’être organisée contre lui, de la discussion qui tout récemment a animé et passionné pendant quelques jours le parlement de Rome. Le prétexte de cette dernière attaque, savamment préparée contre le ministère italien, a été le budget de M. Magliani, l’état des finances qu’on s’est plu à représenter sous les couleurs les plus sombres, quoiqu’il n’ait précisément rien d’inquiétant. Au fond, l’assaut était visiblement et notoirement dirigé contre la politique tout entière, intérieure et extérieure, du président du conseil, qu’on a accusé de faiblesse, d’indécision, d’impuissance, — à qui on a presque reproché une passion sénile du pouvoir.

La lutte a été vive, elle avait été évidemment concertée avec un certain art. Les chefs de l’opposition, M. Cairoli, M. Nicotera, M. Crispi, ont vigoureusement joué la partie et n’ont rien négligé pour donner au débat le caractère d’une sorte de procès passionné de toute la politique, pour rallier et entraîner à leur suite tous les dissidens, tous les mécontens. M. Depretis était, à vrai dire, dans des conditions assez singulières : il se voyait menacé, assailli par les chefs de la gauche, dont il a été l’allié au pouvoir comme dans l’opposition, et il n’était pas sûr d’avoir jusqu’au bout, jusqu’au scrutin, les fractions de la droite, dont il s’est rapproché depuis quelque temps, qui l’appuient le plus souvent pour sa modération. La position était difficile, pour le moins assez douteuse. Le gouvernement, loin de s’abandonner, a résolument tenu tête à l’orage. Le ministre des finances, M. Magliani, le premier mis en cause, s’est habilement défendu. Le cabinet a trouvé un éloquent, un utile allié dans un des chefs de la droite, M. Minghetti, qui l’a soutenu de sa parole comme de son vote, et au dernier moment, le président du conseil lui-même est intervenu avec autant d’adresse que d’autorité. M. Depretis a voulu probablement montrer que l’âge et quelques infirmités ne l’affaiblissaient pas autant qu’on le disait, que tout vieux qu’il fût, il était toujours homme à faire face à ses adversaires, et il u vaillamment, spirituellement soutenu le choc. Le ministère Depretis l’a emporté en définitive au scrutin, il a eu une majorité de quinze voix. La victoire n’a rien de brillant, il est vrai ; elle suffit à la rigueur pour l’instant. Elle prouve que le parlement, malgré les efforts et l’habileté des chefs de l’opposition, n’a pas voulu provoquer une crise ministérielle, et bien des causes avouées ou inavouées explique nt peut-être le vote du dernier moment.

Après tout, que peut-on reprocher à M. Depretis ? Un des chefs de