Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/478

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

branlant sur son trône, dépopularisé par la défaite, menacé par des partis ennemis, a craint évidemment de donner des armes à ses adversaires, des prétextes à une agitation dangereuse ; on a rétabli la paix sans phrases, sans explications, on n’a signé que ce qu’on ne pouvait pas s’empêcher de signer! Le procédé est certainement bizarre, il peut laisser soupçonner bien des arrière-pensées. La paix sans la réconciliation, sans la plus petite assurance d’une mutuelle amitié entre Serbes et Bulgares, peut passer pour une médiocre garantie. Ce n’est pas moins la paix, ou, si l’on veut, la cessation de la guerre entre les deux états des Balkans, et c’est l’essentiel pour l’Europe, qui, avant tout, tenait à empêcher une reprise d’hostilités, à en finir sur ce point.

D’un autre côté, la convention qui a été signée entre la Bulgarie et la Porte, qui reste jusqu’ici le dernier mot de la révolution de Philippopoli, cette convention n’est point sans avoir eu elle-même ses petites péripéties. Entre le prince Alexandre, qui a eu l’habileté de ménager toujours le sultan, de faire bon marché des apparences pourvu qu’il eût la réalité de l’union bulgare, et la Porte, qui ne s’est jamais montrée très animée dans la revendication de ses droits souverains sur la Roumélie orientale, l’œuvre était facile. On s’est aisément et rapidement entendu, on s’est même trop bien entendu, à ce qu’il paraît, et c’est de là qu’est venue la difficulté. La Russie, qui n’a pas encore pardonné au jeune chef de la révolution de Philippopoli, a trouvé que l’alliance était trop intime entre Bulgares et Turcs, que le sultan se laissait aller à des concessions trop larges, trop personnelles à l’égard du prince Alexandre. La France, à son tour, a élevé quelques objections au sujet d’une ligne douanière de la Roumélie qui aurait pu nuire à nos intérêts commerciaux. En réalité, ce ne sont là que des difficultés de détail, que des négociations n’ont pas tardé à résoudre. La convention turco-bulgare, revue ou corrigée, demeure à peu près intacte, reconnaissant avec toutes les formes diplomatiques l’union des deux Bulgaries, créant, en un mot, une situation nouvelle, que l’Europe n’a plus guère qu’à ratifier en l’adaptant le mieux possible au traité de Berlin. De sorte que, sur ces deux points au moins, on peut croire effectivement toucher au terme. La paix est signée entre la Serbie et la Bulgarie, la convention turco-bulgare est acceptée dans sa partie essentielle. Le reste est l’affaire de la diplomatie, qui maintenant à rassembler les élémens divers de la pacification de l’Orient à coordonner ces arrangemens partiels, soit dans une conférence, soit par des négociations entre les cabinets.

Il y a, il est vrai, un dernier nuage à cet horizon oriental, une dernière difficulté qui n’est peut-être pas la moins délicate : c’est la Grèce avec ses ardeurs, avec ses revendications et ses impatiences guerrières, la Grèce qui ne peut se résigner à voir passer cette crise sans y avoir