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Riel avait sous ses ordres leurs plus braves guerriers. Le général Middleton fit transporter ses blessés dans l’église et commanda d’ouvrir le feu sur le bois. Ses éclaireurs et l’infanterie déployés en tirailleurs abordaient la lisière sous le commandement du capitaine French. Il était alors deux heures de l’après-midi ; le combat durait depuis huit heures du matin.

On avait successivement dégagé les abords de Batoché, rejeté l’ennemi sur le village qu’il était contraint d’évacuer en partie sous le feu plongeant de l’artillerie, mais on ne serait maître de la place qu’à la condition de déloger les rebelles du bois qu’ils occupaient et d’où un mouvement offensif était toujours à redouter. D’autre part, l’attaque du Northcote avait échoué, le vapeur en dérive courait risque de tomber aux mains de Riel, dont les communications avec l’autre rive étaient intactes, et qui, battu, pouvait encore mettre la rivière entre Middleton et lui. Il importait donc d’en finir, et on aborda le bois avec toutes les forces disponibles. Mais les efforts redoublés de l’attaque vinrent se briser contre l’énergie de la défense. Les demi-blancs se retrouvaient sur un terrain qui leur était familier, dans des conditions qui leur étaient favorables. Peu habitués à lutter en rase campagne, ils recouvraient tout leur sang-froid et leur indomptable persévérance dans leurs rifle pits, excellant à ajuster rapidement, à se dérober au feu de leurs adversaires, à ménager leurs forces et leurs munitions. De deux heures à cinq heures, les troupes canadiennes se battirent sans pouvoir avancer. Riel, Dumont, Garneau, parcourant sans relâche leurs positions, encourageaient et soutenaient leurs combattans. Le général Middleton espérait, d’après les rapports de ses scouts, que les munitions des rebelles s’épuiseraient ; mais, vers cinq heures du soir, leur feu subitement plus nourri et l’examen de quelques balles perdues d’un calibre et d’une fabrication différens lui montrèrent qu’ils avaient dû recevoir des approvisionnemens par la rivière.

À la nuit tombante, Riel reprit l’offensive. Le vent se levait ; par ses ordres, les Indiens mirent le feu aux hautes herbes et aux fourrés dont la brise rejetait les flammes et la fumée sur les troupes canadiennes et jusqu’aux abords de l’église, où le général Middleton avait établi son quartier-général et ses blessés. Force fut de l’évacuer. Les blessés furent transportés dans les wagons. L’artillerie réussit toutefois à arrêter le mouvement de Riel, et à minuit le feu cessa sur toute la ligne. Middleton donna ordre à lord Malgund de se rendre à la station télégraphique de Humboldt pour transmettre au gouvernement avis de l’état des choses et presser l’envoi de renforts. De part et d’autre, on campa sur les positions que l’on occupait.

La situation du général Middleton ne laissait pas que d’être cri-