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troupes, il se porta en avant. Le 5 mai, après une marche de 35 milles, il atteignait le campement des Indiens. Bien que pris à l’improviste, Poundmaker résista avec énergie. Le combat, commencé à cinq heures du matin, se prolongea pendant sept heures. Les Indiens faiblissaient, quand leurs squaws, saisissant les armes de ceux qui étaient tombés, vinrent se joindre à la lutte excitant les combattans par leurs cris et leurs imprécations. À midi, le feu se ralentit et cessa. Le colonel Otter hésitait à pousser plus loin, craignant de voir couper ses communications avec Battleford ; les Indiens se tenaient pour satisfaits d’avoir arrêté l’ennemi et de conserver leurs positions. De part et d’autre, on s’estimait victorieux, et le colonel Otter rallia Battleford, convaincu que les Indiens ne se hâteraient pas de l’y venir chercher.

Le même jour, pendant que ces événemens se passaient aux environs de Battleford, le vapeur Northcote amenait au général Middleton ses renforts et ses approvisionnemens. Le 7, tout étant prêt, il levait le camp et se dirigeait sur Gabriel Crossing, à 6 milles de Batoché. Le 8, ses éclaireurs prenaient contact avec ceux de Riel, qui occupait Batoché. À cinq heures du matin, le 9, le général donnait l’ordre de se porter en avant. Incertain de l’issue de la lutte, il ne fit pas lever le camp, qu’il laissa à la garde des non-combattans. Le vapeur Northcote devait concourir à l’attaque, descendre la rivière, prendre Batoché à revers, pendant que lui-même l’aborderait de front, et couper ainsi les communications de Riel avec l’autre rive du Saskatchewan. Une compagnie de carabiniers et deux pièces de campagne étaient embarquées à bord. À huit heures du matin, le général Middleton arrivait devant Batoché. L’avant-garde de Riel, dissimulée derrière un rideau d’arbres qui masquait le village, ouvrit le feu sur les troupes. Plus loin, sur la rivière, on entendait distinctement les décharges de l’artillerie du Northcote et l’appel continu de son sifflet indiquant que le vapeur se trouvait en détresse ou aux prises avec un ennemi supérieur. Le général donna ordre à son artillerie de se porter en avant et de déloger l’ennemi du bois qui lui cachait le village. Soutenu par les scouts déployés en tirailleurs, l’artillerie dirigea sur ce point quelques volées à mitraille et força l’avant-garde de Riel à se replier.

Au débouché du bois, les troupes atteignaient un plateau découvert surplombant le coude de la rivière. Devant elles, et dans un creux, longeant le cours de l’eau, s’étendait le village entouré d’arbres ; une longue pente boisée descendait au Saskatchewan. Le général Middleton fit immédiatement mettre son artillerie en batterie et ouvrir un feu plongeant sur Batoché. De la hauteur qu’il occupait on apercevait les rebelles massés en force à l’abri de l’église