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rares et obscures ; la persécution fut moins vive et la controverse théologique moins éclatante : d’autre part, un très petit nombre de cités pouvaient invoquer, comme titre à la prééminence, une gloire consacrée par le temps : l’organisation demeura donc imparfaite. L’église de Rome s’éleva au premier rang, mais il n’y eut pas au-dessous d’elle de grandes métropoles, excepté en Italie, et l’Occident ne connut pas, à vrai dire, les patriarcats : la Gaule, par exemple, qui formait un diocèse, n’eut jamais de patriarche. Ce pays fut d’ailleurs troublé par des guerres civiles et sociales au IIIe siècle et il subit l’invasion au IVe. Les cadres politiques commencèrent ainsi à se briser, au moment où l’église aurait pu y entrer, et le clergé accepta ceux que lui offraient les royaumes barbares. Les évêques de la Gaule restèrent en relations les uns avec les autres, et cette union leur donna la force nécessaire pour défendre l’orthodoxie contrôleurs maîtres hérétiques, mais l’épiscopat fut obligé de se grouper, non par provinces ecclésiastiques, mais par royaumes. Un évêque suivait la destinée de sa cité, changeait de souverain lorsqu’elle passait d’un royaume à un autre, rompait les relations régulières qu’il avait eues avec les évêques demeurés sujets de son ancien roi, et ne siégeait plus dans les mêmes conciles. Après que Clovis fut devenu maître d’une grande partie de la Gaule, il réunit à Orléans tous les évêques des pays soumis à sa domination ; ce fut la manifestation la plus éclatante de sa puissance, et si l’unité de la monarchie avait duré, les conciles en auraient été l’expression la plus visible. Il se serait peut-être formé une église de Gaule, comme il y eut au-delà des Pyrénées, sous la domination des Wisigoths, une église d’Espagne, dont le chef était l’évêque de la capitale ; mais, la monarchie franque ayant été morcelée en royaumes, l’église fut partagée comme elle, et les églises régionales, souvent modifiées par la mort des princes ou par les conquêtes, n’eurent point d’autres chefs que ces rois qui étaient toujours ennemis les uns des autres. Enfin il se fit au VIe siècle une transformation complète du personnel et des mœurs du clergé. Lors de l’établissement des Francs, l’épiscopat se recrutait dans les familles romaines, et l’évêque, résidant au chef-lieu de la cité, était un citadin. Mais l’épiscopat fut bientôt envahi par des hommes de race franque. Ce qu’ils aimaient dans les dignités ecclésiastiques, c’était leur éclat et plus encore la richesse qu’elles procuraient. Cette richesse s’accrut considérablement par des donations, des acquisitions et des usurpations. Tout un peuple rural fut gouverné par l’église devenue grand propriétaire, et l’évêque, prenant modèle sur les seigneurs laïques, devint de citadin campagnard. Plus importans étaient ses intérêts locaux, plus il était disposé à vivre de la vie locale. Aussi l’imparfaite hiérarchie des sièges qui avait commencé à s’établir