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Gaule est aussi bien que l’histoire politique le préambule nécessaire d’une histoire d’Allemagne ; car l’étude des origines de ce pays est chose complexe, où il faut procéder avec prudence en tenant toujours les yeux ouverts sur les alentours. La matière première de la nation allemande, — c’est-à-dire la race allemande habitant le sol allemand, — a été façonnée par la force militaire des Francs et par la force morale de l’église ; mais les deux alliés ont dû s’y reprendre à deux fois pour soumettre l’Allemagne et la revêtir de la forme qu’elle a portée dans l’histoire. Il serait impossible de comprendre le succès de la seconde tentative, si l’on ne savait pourquoi la première n’a pas réussi. Constater le fait ne suffit point ; si l’on se borne à dire que telle chose est advenue, on ne dit que des mots, et l’histoire générale doit s’efforcer de trouver les raisons premières des choses, si loin et si haut qu’elles soient placées. La tâche est ardue, mais elle est rémunérée magnifiquement par le plaisir qu’elle procure de contempler le spectacle des causes primordiales qui se mettent en mouvement, et, après s’être heurtées aux obstacles et aux résistances, finissent comme les destins par trouver leur voie.


I.

C’était une première cause de faiblesse pour le clergé des pays mérovingiens qu’il ne fût point un corps pourvu d’organes réguliers. L’église n’avait jamais reçu en Occident la belle ordonnance qu’elle prit de bonne heure en Orient. Ici les communautés chrétiennes furent nombreuses et brillantes dès l’origine, et les évêques qui en étaient les chefs sentirent le besoin de se grouper lorsque la persécution et l’hérésie, ces deux fléaux des IIe et IIIe siècles, s’abattirent sur le christianisme. Comme il était naturel, le groupement se fit dans les cadres de l’état ; les évêques d’une même province prirent l’habitude de se réunir au chef-lieu, qu’on appelait la métropole dans la langue politique officielle, et ils accordèrent à l’évêque métropolitain, président de leurs conciles, la qualité d’un primus inter pares. Au IIIe siècle, l’empire fut divisé en diocèses dont chacun comprenait plusieurs provinces ; en Orient, trois des capitales de ces diocèses, Constantinople, Alexandrie, Antioche, auxquelles on ajouta Jérusalem par égard pour sa qualité de ville sainte, devinrent les chefs-lieux de circonscriptions ecclésiastiques qu’on appela des patriarcats. Plusieurs des sièges métropolitains et patriarcaux étaient des villes illustrées par l’histoire profane et par l’histoire sacrée, leur importance même y ayant attiré les apôtres. Il se trouvait donc en Orient de grandes églises régulièrement gouvernées.

En Occident, les communautés chrétiennes furent assez longtemps