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possible? Elle soulevait la grave question du droit d’acquérir, au lendemain de la vente des biens ecclésiastiques ; et, pour les esprits clairvoyans, elle préparait au clergé un retour incontestable d’influence. Pouvait-on, en 1800, « protestantiser » la France? Aux yeux des gens qui l’eussent souhaité comme Fourcroy, l’occasion était perdue depuis la constituante, et la force des choses entraînait les plus résistans. Fallait-il adopter la théophilanthropie de La Révellière-Lepeaux? L’opinion la jugeait ridicule. Il vaut mieux, pensait la bourgeoisie, mettre le clergé catholique dans la dépendance d’un gouvernement bienfaisant et protecteur que de le laisser agir isolément sur l’esprit des populations. L’ancienne tradition latine et française de la subordination de la religion au pouvoir civil était encore vivante chez tous les légistes. Il fallait simplement, suivant le mot de Siméon au tribunat, « placer les prêtres plus qu’ils ne l’étaient sous la main du pouvoir. »

Le conseiller d’état qu’on chargeait de formuler le nouveau droit canonique issu de la transaction avec la révolution, Portalis, comme presque tous les membres des anciennes familles parlementaires, était fort attaché aux maximes de l’église gallicane. Pour les doctrines théologiques, il en était resté à Bossuet et à la déclaration de 1682. L’ancienne règle du gallicanisme: « l’église est dans l’état, et non l’état dans l’église, » fut le fond de la nouvelle constitution ecclésiastique de la France. La sécularisation de la société moderne fut consacrée. La puissance temporelle et la puissance spirituelle devaient être nettement séparées. Le but de la haute bourgeoisie était de n’attribuer au catholicisme aucun des caractères politiques qui seraient inconciliables avec le nouveau droit social ; elle entendait qu’il fût la religion de la majorité des Français et non celle de l’état. En protégeant le culte catholique, elle ne voulait pas le rendre dominant et exclusif, mais veiller sur sa doctrine et sur sa police, afin de tourner des institutions si importantes à la plus grande utilité publique ; elle ne croyait pas devoir ressusciter les ordres monastiques supprimés ; elle ne désirait qu’un clergé séculier, des prêtres ayant des fonctions dans un diocèse ; elle ne voulait pas davantage que le clergé pût posséder à ce titre des propriétés immobilières ; elle se souvenait des principes de d’Aguesseau et de son édit de 1749 sur les acquisitions des biens de mainmorte.

Le concordat fut inspiré par ces idées politiques. La tolérance n’y eût pas trouvé une éclatante confirmation, si les articles organiques n’avaient pas été édictés en même temps. L’égalité des cultes, un des glorieux héritages de la déclaration des droits de l’homme, était reconnue de la manière la plus explicite, et le protestantisme, où les opinions modérées d’une fraction de la bourgeoisie s’abritèrent, était relevé enfin des interdictions et des anathèmes. Ce n’était