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LA
BOURGEOISIE FRANÇAISE
SOUS LE DIRECTOIRE ET LE CONSULAT


I.

Jamais la haute bourgeoisie ne dissimula ses opinions et ses sentimens sur le gouvernement des jacobins. Pour elle, justifier le régime de 1798, prêter à des attentats et à des crimes l’excuse de !a fatalité, c’était nuire à la cause sacrée de la révolution, c’était enlever aux jugemens sur elle toute valeur et toute autorité. Non-seulement la république avait été sauvée malgré la Terreur, mais encore la Terreur avait créé la plupart des obstacles que la république eut à renverser. Une puissance illimitée n’est jamais admissible ; et, en réalité, elle n’était pas nécessaire. Si l’esprit public dépérit pendant tout le Directoire, c’est à la Terreur qu’il faut l’attribuer. Elle a préparé le pays à accepter un joug, elle l’a rendu indifférent et pour longtemps impropre à la liberté. « Elle a surtout frappé de réprobation, aux yeux du vulgaire, toutes les idées qu’embrassaient, quatre ans auparavant, avec enthousiasme, les âmes généreuses et que suivaient, par imitation, les âmes communes. »

Le publiciste qui, en 1797, écrivait ces lignes, pariait au nom de la société bourgeoise qu’il représentait. Il était l’écho des désillusions indignées et longtemps contenues qui s’étaient déjà fait jour dans le rapport de Boissy d’Anglas sur la constitution de l’an III.

Malgré ses instincts monarchiques, le tiers-état avait, par patriotisme, accepté la république, mais peu de ses chefs avaient été élus à la Convention. Ceux-là s’appelèrent les girondins. Depuis