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écrits avant cette époque, c’était la partie des prescriptions religieuses et morales. Or une idée était devenue tout à fait dominante dans les écoles de prophètes, c’est que Iahvé impose à ses fidèles certaines prescriptions, certaines lois. Un petit code se formait. Ce code était comme la condition du pacte intervenu entre le dieu et son peuple. A côté des faits d’histoire religieuse par lesquels on se proposait de montrer qu’Israël était lié envers Iahvé par un engagement spécial, il y avait le dispositif de ce pacte, c’est-à-dire les lois qui étaient censées avoir été imposées au peuple par Iahvé. Ces lois étaient en partie les articles divers d’un droit coutumier d’inégale antiquité, en partie des prescriptions sacerdotales ou rituelles, en partie des lois morales, résultat du mouvement humanitaire qui se produisait déjà dans les écoles prophétiques. Mosé fut envisagé comme l’universel promulgateur de ces lois, censées inspirées par Iahvé.

De tout cela résulta un récit sacré dont voici les lignes essentielles[1] :

Au commencement, Iahvé crée le ciel et la terre, les hommes par conséquent. Ces premiers hommes sont des géans. Vivant huit et neuf cents ans, ils créent une première civilisation où le mal l’emporte de beaucoup sur le bien, et qui est balayée par le déluge. Un juste, Noé, est sauvé des eaux et renouvelle l’humanité par ses trois fils : Sem, Cham, Japhet. Sem est la tige des élus; un de ses descendans est cet Abraham d’Our-Casdim, avec qui Dieu fait un pacte à perpétuité. Son fils et son petit-fils, Isaac et Jacob, errent à l’état de nomades dans le pays de Chanaan, dont Dieu leur promet la possession future. Le pacte est renouvelé avec chacun d’eux, en particulier avec Jacob. Joseph, fils de Jacob, attire ses frères en Égypte, où ils se trouvent, avec le temps, réduits à l’état de servitude, Iahvé les délivre par le grand prophète Mosé, qui les mène au Sinaï, où Iahvé leur apparaît en la plus solennelle des théophanies, renouvelle son pacte avec eux et édicté les lois résultant de ce pacte. Mosé conduit le peuple jusqu’aux confins de la terre promise. Josué effectue la conquête de la terre et la partage entre les fils d’Israël, si bien que la propriété de tout bon Israélite a une origine théocratique, le partage des terres émanant de Iahvé lui-même.

Voilà ce qui se racontait, avec des variantes très considérables, soit en Israël, soit en Juda. Le fond de tout cela était déjà dans le livre des Légendes patriarcales et dans le livre des Guerres de

  1. Pour la parfaite clarté de ce qui suit, il faut se servir d’un texte où la rédaction jéhoviste et la rédaction élohiste soient séparées ou imprimées en caractère différent, par exemple de la Genèse de M. François Lenormant, ou de la traduction de M. Reuss.