Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
M. DE BISMARCK
ET
LES POLONAIS

Si on écrivait l’histoire de M. de Bismarck sans consulter d’autres documens que ses dépêches et ses discours, on n’aurait pas de peine à établir que ce grand politique est un juste persécuté, un homme d’humeur douce et conciliante, qui, par un arrêt cruel de la destinée, s’est vu condamné à violenter ses inclinations et à guerroyer sans cesse. Après avoir défendu victorieusement son pays contre les entreprises des Danois, des Autrichiens et des Français, il a dû combattre les cabales de partis factieux, acharnés à sa perte, et il a eu besoin de tout son génie pour résister à leurs attaques ouvertes ou à leurs sourdes machinations. Combien de fois ne s’est-il pas plaint de cette grande conspiration ourdie contre son repos, de la malice de ses ennemis qui l’obligent à faire de sa vie une perpétuelle bataille § Mais ils ont trouvé à qui parler. Il a déjoué leurs desseins pervers; tout ce qu’ils ont entrepris contre lui a tourné à leur confusion et à sa gloire, il a confirmé par son exemple la vérité cachée dans cette parole de l’évangile : « Heureux les doux et les pacifiques! car ils hériteront de la terre. »

Il y a toujours en Prusse ou en Allemagne quelque parti que M. de Bismarck dénonce comme un perturbateur de la paix publique et qu’il accuse de comploter la ruine de l’état. Que n’a-t-il pas dit des catholiques et du parti du centre, qui se déclaraient lésés dans leur conscience par les lois de mai et s’obstinaient à ne pas reconnaître l’autorité disciplinaire de César ? Que n’a-t-il pas dit des économistes qui critiquaient sa réforme douanière et plaidaient contre lui la cause du libre échange