Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Amoureux d’une princesse qu’il a sauvée des eaux, vêtue, comme on disait alors, « de sa seule robe d’innocence, » le pêcheur Zéphoris, au premier acte de Si j’étais roi, chante un ou deux airs qui ne manquent pas de sentiment. Au second acte, un petit duo, par sa coupe et son rythme, rappelle un peu certain duo bachique de l’Enlèvement au sérail. Plus d’une page a de la gaîté ; d’autres ont presque de la distinction.

Giralda vaut mieux encore, avec son entrain, son mouvement scénique et son style dégagé. A l’imbroglio de la Nouvelle Psyché convenait bien cette musique légère et court-vêtue : romances un peu fades, mais bien tournées, qu’Adam fait soupirer à des princes galans ; gentils couplets, comme ceux que Ginès, au premier acte, adresse à son habit, à son bel habit de mariage, » airs de bravoure et finales vocalises. Tout cela n’est pas bien méchant, mais n’est pas bien mauvais non plus. Quelquefois même c’est charmant, témoin certain chœur du premier acte. Giralda croit épouser Ginès, qu’elle n’aime pas, et dont Manoël, qu’elle aime, a pris à son insu la place. Le cortège passe, suivant la fiancée pensive, et la marche nuptiale exprime finement la mélancolie résignée de cette pauvre petite noce sans amour. Comme Auber, Adam pouvait être un délicat.

La place d’honneur, au foyer de l’Opéra-Comique, est occupée encore aujourd’hui par le buste d’un maître qui n’est plus le dieu du temple: Halévy. Il le fut, disent nos pères, à l’époque des Mousquetaires de la reine, du Val d’Andorre : deux pauvres œuvres pourtant. La vulgarité gâte tout en elles : les idées, le style et le rythme lui-même : témoin les couplets du vieux chevrier dans le Val d’Andorre, ou le grand air d’Olivier au premier acte des Mousquetaires. Le jeune gentilhomme célèbre les plaisirs de la chasse du roi; mais dans quel style poétique et musical! Il ne nous épargne aucun épisode : il faut, bon gré mal gré, suivre la meute. C’est la musique descriptive, qui fut un temps fort goûtée. On chantait ainsi les voyages au début des Diamans de la couronne, et les combats dans la Dame blanche. Les demoiselles, les Berthe de Simiane et les Athénaïs de Solange avaient aussi leurs grands airs, de coupe classique. Rien de plus froid, de plus ennuyeux que cette rhétorique musicale. Pour rendre tolérables les confidences des jeunes princesses aux bocages, il faut le génie d’un Rossini et la beauté, pour ainsi dire plastique, d’un air comme Sombres forêts! Halévy trouva trop rarement le secret de cette beauté.

Tout est formule dans les Mousquetaires et le Val d’Andorre.