Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eut le temps de donner à l’opéra comique sa forme achevée, et d’être le représentant parfait du genre que nous étudions. On a contesté l’originalité d’Herold ; on l’a accusé, sinon de copier, au moins de se souvenir. Ce Français, dit-on, était fait d’un Allemand et d’un Italien ; sans Weber et sans Rossini il n’y aurait pas d’Herold. Peut-être ; mais ce serait une raison de plus d’aimer Weber et Rossini, voilà tout. Sans doute, Herold est romantique, comme Weber ; mais, de son temps, qui n’était romantique en France ? D’ailleurs, il y aurait entre le romantisme de l’un et celui de l’autre plus d’une nuance à signaler, ne fût-ce qu’à propos du sentiment de la nature. Ce sentiment, que Weber eut au plus haut point, fit défaut à Herold comme à presque tous nos musiciens. La musique française n’a pas eu de paysagiste avant Berlioz et Félicien David.

L’influence de Rossini se fait sentir davantage chez Herold. L’astre du maître italien était si brillant que nul n’échappait à ses reflets. Herold tient de Rossini la prestesse de certains mouvemens : par exemple, dans le trio presque bouffe du premier acte de Zampa, dans le premier duo du Pré aux Clercs ou dans le trio du second acte. Mais ce sont là des détails ; au fond, le génie d’Herold n’est pas essentiellement rossinien ; il est plus sobre et plus concis. Herold eut la force et le nerf, mais, sans en abuser jamais. Il resta mesuré, fidèle à la tradition française de la modération et de l’équilibre. Il fut surtout le musicien de la couleur, de cette couleur que nous trouvons chez Grétry le premier, qui s’accuse dans la Dame blanche, et prend tout son éclat dans Zampa et le Pré aux Clercs. En musique même, on peut être coloriste. Auber ne le fut guère, sauf dans certaines pages de la Muette ; Herold le fut presque toujours.

Zampa et le Pré aux Clercs sont les deux œuvres maîtresses d’Herold. On a oublié les Rosières, Lasthénie, le Lapin blanc, même le Muletier ; à peine se souvient-on de Marie ; Zampa est de 1831 ; le Pré aux Clercs, de 1833. Les deux ouvrages font songer à Prosper Mérimée. Herold et Mérimée, les deux esprits les plus dissemblables, furent rapprochés deux fois par des sujets, sinon par des inspirations analogues. L’idée du Pré aux Clercs est empruntée à la Chronique du règne de Charles IX, et Zampa, ou la Fiancée de marbre, pourrait bien avoir donné à Mérimée l’idée de sa Vénus d’Ille. Le romancier et le musicien ne se nuisent pas ; chacun a Suivi son chemin et fait œuvre personnelle. Si Mérimée trouva dans Zampa l’idée de la Vénus d’Ille, l’opéra comique d’Herold dut lui paraître un peu mou, un peu lâche. Il en a résumé les effets et condensé l’épouvante. Toute couleur, même celle d’Herold, pâlit devant celle-là. Chez Mérimée, la redoutable fiancée n’est plus de