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Montmorin, le 2 juillet, et elle est persuadée que votre cour n’en prendra pas moins, monsieur, dans celle que j’ai ordre de vous donner, que le rassemblement de dix à douze mille hommes que Sa Majesté se propose d’ordonner n’a pour objet que l’instruction des troupes. » Le mois de juillet se passa à échanger d’un ton assez belliqueux des complimens assez pacifiques. Lord Carmarthen voulut arriver à des conclusions plus précises. Dans une très longue dépêche, datée du 27 juillet, il donna l’ordre au duc de Dorset, alors à Paris, de représenter « sur-le-champ » au gouvernement français, « dans les termes les plus amicaux et en même temps les plus énergiques, combien il serait impossible à Sa Majesté de continuer à éviter tout autre préparatif si l’on ne recevait sur-le-champ, de la part de la France, l’assurance qu’elle ne fait dans ses ports aucune espèce de préparatifs, et à un degré quelconque, au-delà de ceux qui se font ordinairement pour l’état de paix. » Le ton de l’Angleterre était trop menaçant pour permettre les illusions.

Le 20 juillet, sir James Harris expédiait un courrier à M. Ewart, secrétaire de l’ambassade d’Angleterre à Berlin, pour lui apprendre les résolutions définitives de la cour de Londres. L’Angleterre, en cas de guerre, soutiendrait la Prusse jusqu’au bout. Quarante vaisseaux de ligne appuieraient la démonstration du duc de Brunswick. Le 28 juillet, M. Ewart répondait à sir James Harris par l’assurance positive que la Prusse se décidait à marcher. « Votre courrier est arrivé au moment le plus critique, alors qu’une infâme intrigue allait tout incliner à Potsdam en faveur de la France. » Presque au même instant, la princesse d’Orange, mêlée plus que jamais à tous les détails de la politique, écrivait au greffier des états et au principal député de chaque province pour les informer que le ministre de Prusse à La Haye, M. de Thulemeyer, « avait inexactement rapporté les sentimens de son maître, que le roi, son frère, bien loin de vouloir exclure l’Angleterre, désirait ardemment qu’on l’invitât à la médiation. » Dans une note destinée à passer sous les yeux de sir James Harris, elle ajoutait cette phrase significative : « La manière franche et ouverte dont votre cour s’est expliquée à Berlin a produit le plus grand effet, et je ne saurais assez vous en remercier. » Déjà l’on annonçait à Nimègue l’arrivée du duc de Brunswick, qui venait pour s’entendre avec la princesse sur tous les détails de l’expédition militaire. « Le feld-maréchal paraît tranquille, écrivait d’Allemagne Mirabeau; mais c’est le sommeil du lion. » Quant à Guillaume V, l’on ne parlait guère de lui. Il guerroyait contre les états de Hollande. L’on savait seulement que, dans un accès de colère violente, il avait été jusqu’à dire à sa femme : « Je ne suis entouré ici que de traîtres, et vous êtes la première de tous, madame. »