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le voyage de la princesse était un bon bourgeois, qui ne connaissait guère le monde et pas du tout l’étiquette. Pour honorer la femme du stathouder, la première citoyenne de la république, il avait gardé son épée à la main comme il l’eut fait à la parade. Les commissaires de Woerden, dès leur arrivée, avaient fait cesser cette infraction involontaire aux règles de cour. Était-ce un outrage au droit des gens, un affront au roi de Prusse, un véritable casus belli ? Les patriotes ne le croyaient pas, le roi de France ne l’admettait pas. Mais Frédéric-Guillaume ne craignait pas les patriotes et redoutait beaucoup moins la France depuis qu’il connaissait le succès des démarches de sir James Harris. L’incident de Schonhoven lui parut un prétexte utile. Il s’en empara avec colère et le maintint par réflexion. Sur la nouvelle de « l’attentat des commissaires de Woerden, » le roi de Prusse avait donné l’ordre à ceux de ses généraux qui se trouvaient en Westphalie de se tenir prêts à marcher. Sur l’assurance que l’Angleterre irait jusqu’au bout, les ordres de mobilisation furent maintenus. Le 10 juillet, l’armée prussienne était prête à entrer en campagne. Le duc de Brunswick devait la commander.

Tant que durèrent les préparatifs militaires, la cour de Prusse parut disposée à admettre les offres de médiation commune que lui faisait le gouvernement français. Le cabinet de Berlin se montra très touché de cette proposition. « Cela a surpassé leurs espérances, disait Falciola à Montmorin. Ils m’ont fait répéter la lecture jusqu’à trois et quatre fois. » Sir James Harris lui-même crut que la colère du roi de Prusse finissait par s’épuiser et qu’il en viendrait à dire « qu’il ne voulait pas déranger ses propres affaires pour arranger celles d’autrui. » l’événement devait démentir cette assertion.

Le 21 juillet, Falciola écrivait à Montmorin pour lui annoncer la mobilisation des troupes prussiennes. Le chargé d’affaires de France venait d’en recevoir la nouvelle d’un des ministres, du comte de Finck lui-même. La veille encore, M. de Finck avait nié l’existence de tout rassemblement. Falciola ne sut répondre à cette ouverture qu’en insistant sur le caractère pacifique des manœuvres ordonnées par Louis XVI au camp de Givet. « Elles n’ont d’autre objet que l’exercice du soldat. — Il faut toujours dire cela, » répliqua, non sans sourire, M. de Finck.

Le cabinet britannique, entraîné par l’argumentation pressée de sir James Harris, n’avait pas tardé à déclarer à la cour de France tout l’intérêt qu’il prenait à la question hollandaise. Dès le 29 juin, M. Éden, écrivant à Montmorin, lui annonçait que l’escadre anglaise venait de recevoir l’ordre de mettre à la voile. La France n’avait rien à craindre de ces évolutions navales. « Sa Majesté a reçu avec plaisier et confiance l’assurance que vous nous avez donnée, répondit