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donc, en dehors même de nos résistances, de sérieux obstacles, ne l’oublions pas ; mais, la part une fois faite aux faiblesses de ces ordres disséminés sur un terrain sans limites, ce que nous devons nous rappeler avant tout, c’est qu’à nos côtés, derrière nous, se groupent sous un même chef des populations plus ou moins hostiles, innombrables, inaccessibles. Cette impression doit dominer toutes les autres.

Tels sont, croyons-nous, les élémens de la question des sociétés secrètes, en d’autres termes, des ordres religieux ; nous les avons réunis en assez grand nombre pour arriver à une conclusion pratique. Nous avons reconnu aussi exactement que possible le siège et l’étendue du mal. Il nous reste à chercher le remède. Ce remède existe, il doit être trouvé ; mais, comme après un diagnostic compliqué les médecins les plus consciencieux ne s’entendent pas sur le traitement à prescrire, de même, après tant d’efforts et d’études faites par nos officiers, nous en sommes encore réduits en Afrique à une politique de tâtonnemens.

La ligne de conduite à suivre, croyons-nous, devrait être celle-ci : d’une part, ne cherchons pas k nous faire d’illusions et rendons-nous compte que l’Afrique centrale est, ou sera entièrement conquise par les musulmans, kadrya, chadelya, derkaoua, senoussya ou autres. L’Europe entretiendra ou créera des colonies sur le littoral. Ces colonies seront comme des îles, entre la mer et un continent hostile : à cela nul remède. Nous perdrions notre peine à vouloir convertir les peuples encore vierges ; en nous obstinant à en faire des chrétiens, nous aurons la guerre, nous les repousserons dans l’intérieur. Continuons à leur envoyer nos missionnaires, à ouvrir des comptoirs, à multiplier, suivant la conclusion de M. Rinn, les chemins de fer, mais uniquement pour nous faire connaître, dissiper les préjugés répandus contre nous, amener insensiblement à nous les commerçans et les producteurs indigènes par l’appât du gain et la confiance dans nos relations. — d’autre part, tout en cherchant à sortir le plus possible de cet isolement dont nous nous rendons compte, ne négligeons rien pour organiser la défense, c’est-à-dire garantir à notre colonisation la paix et la sécurité. Ayons aux frontières de nos colonies quelques hommes de tact qui soient au courant de tous ces détails de l’organisation religieuse des musulmans et qui en connaissent bien les vices. Que ces hommes ne soient pas changés trop souvent, qu’ils transmettent du moins à leurs successeurs les résultats de leurs expériences ; qu’ils se mettent, comme font aujourd’hui les officiers des affaires arabes, on communication constante avec les indigènes ; entrés ainsi dans les mœurs des habitans, ils devraient avoir pour