Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
I.

Nous possédons, soit dans la Bible, soit à côté d’elle, trois histoires du peuple hébreu plus ou moins originales. Il faut placer en première ligne le grand ensemble d’écrits narratifs qui s’étend, dans la Bible hébraïque, du premier mot, Bereschit, à la fin du deuxième livre des Rois[1], prend les choses à la création et renferme toute l’histoire du peuple Israélite, comme ce peuple lui-même la comprenait, jusqu’à l’anéantissement du royaume de Juda par la puissance chaldéenne (584 ans av. J.-C). Bien que composé de parties fort diverses, ce grand ensemble, qui constitue près de la moitié de la Bible, a été coordonné en un tout, ayant son unité. Un dernier éditeur (si l’on peut s’exprimer ainsi) en a disposé les parties de manière à former un ouvrage à peu près suivi. Ce dernier éditeur travailla certainement après l’an 560 avant Jésus-Christ, puisqu’un fait qui fut la conséquence de la mort de Nabuchodonosor, arrivée cette année, est rapporté dans l’ouvrage. D’autres particularités des textes législatifs font descendre plus bas encore cette coordination définitive. Il est probable que le précieux ensemble historique dont nous parlons ne fut constitué dans sa forme actuelle qu’après l’établissement définitif du culte dans le second temple, vers l’an 515 avant Jésus-Christ. Ajoutons qu’après cela, il put y survenir encore bien des interpolations, bien des additions, bien des retouches.

Également dans la Bible hébraïque, à la fin du volume, se trouve un autre ensemble historique, composé des deux livres des Chroniques[2] et des livres d’Esdras et de Néhémie, qui en forment la suite. Les deux livres des Chroniques sont un abrégé sec, inexact, rédigé au point de une hiérosolymite et sacerdotal, des vieilles histoires. Il convient d’en faire peu d’usage; on ne saurait le dédaigner, cependant ; car le lévite inintelligent qui a compilé à Jérusalem ce médiocre ouvrage avait entre les mains quelques écrits que nous n’avons plus, ou, ce qui revient à peu près au même, il possédait des livres des Rois plus complets que les nôtres. Les deux livres d’Esdras et de Néhémie, d’ailleurs, contiennent l’histoire au-delà de la captivité et nous donnent, sur les restaurations juives du VIe et du Ve siècles, des renseignemens de médiocre valeur, mais dont il faut bien faire usage faute de mieux. On est à peu près d’accord pour placer la rédaction des Chroniques, d’Esdras et de Néhémie vers le temps d’Alexandre ou dans les derniers temps de l’empire perse (330 ou 340 avant J.-C.)

  1. Quatrième selon la Vulgate.
  2. Ce que les traducteurs grecs appelèrent les Paralipomènes.