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des jeunes gens en échange d’armes à feu, même de fusils à culasse et de munitions ; mais encore, sous prétexte de trafiquer avec eux, les attirent à bord et ensuite les y retiennent malgré eux. d’autres, qu’ils rencontrent en mer dans leurs canots, sont simplement enlevés. » Le capitaine allemand, en des termes presque identiques à ceux du rapport du capitaine Moor, ajoute : « Si les agens du gouvernement suivaient leurs instructions, la plupart des bâtimens recruteurs rentreraient sans recrues. Ils ferment donc les yeux, laissent faire le capitaine et se contentent de l’assurance qu’il leur donne que rien d’irrégulier n’a été fait. Les interprètes servent d’appeau. Il s’ensuit des rencontres sanglantes. »

Tel est, selon les témoignages les plus authentiques et les plus autorisées, tous conformes aux observations que j’ai pu faire personnellement, l’état des choses dans ce qu’on est convenu d’appeler le Pacifique occidental.

Quelles sont les nations européennes les plus intéressées au maintien de l’ordre public dans ces parages lointains, et par conséquent les plus rigoureusement tenues d’y pourvoir ?

C’est avant tout l’Angleterre, en y comprenant aussi les colonies australiennes : Queensland, obligé par des intérêts vitaux à se procurer des bras et n’en trouvant pas parmi les aborigènes du continent australien, les représentans du type le plus bas de toutes les races sauvages du globe ; la Nouvelle-Galles, qui avance les fonds aux traders des archipels ; Victoria, qui donne les hommes : les planteurs et surtout les négocians.

En second lieu, l’Allemagne ; les États-Unis dans une bien moindre proportion ; enfin la France. Les relations avec le Mexique et les républiques sud-américaines sont nulles. Ces états restent donc en dehors de la question.

L’Angleterre. Le nombre des Anglais qui exploitent les îles est peut-être moindre que celui des Australiens, mais c’est de l’Angleterre que viennent les capitaux, ou directement, ou par l’intermédiaire des banques australiennes ; elle possède le grand archipel des Fiji ; et c’est aussi elle qui, par l’intermédiaire de son haut-commissaire assisté de deux sous-commissaires (deputy commissioners) et avec la coopération des bâtimens de guerre de la station d’Australie, s’efforce de maintenir l’ordre dans les eaux et les îles des archipels. Et, ici, je me permettrai de constater ce que personne de ceux qui ont étudié la question sur les lieux n’oserait contester, à savoir que le gouvernement britannique, servi avec zèle et intelligence, s’acquitte de cette lâche fort dispendieuse avec une assiduité, une énergie et une patience dignes de meilleurs résultats.