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se montre fort peu sensible aux conseils qu’on lui donne et aux remontrances qu’on lui adresse : elle ne veut pas être apaisée et rassurée. Non-seulement elle ne discontinue pas ses arméniens qui lui ont jusqu’ici si peu servi, elle semble, au contraire, depuis quelques semaines, leur imprimer une activité nouvelle. Bref elle tient à être agitée quand tout tend à s’apaiser d’un autre côté, et c’est son malheur. Que la Grèce veuille attester la constance de sa foi dans ses destinées et montrer qu’elle est toujours prête à combattre pour sa cause, on ne peut guère s’en étonner. Elle trouvera d’autres occasions pour employer son courage et pour mériter l’avenir que rêve son ambition ; mais elle commettrait certes bien gratuitement, bien aveuglément, la plus dangereuse et la plus stérile des imprudences si elle se laissait entraîner aujourd’hui dans quelque aventure, si elle mettait encore son espoir dans les divisions de l’Europe. Les puissances qui s’occupent des affaires des Balkans peuvent sans doute avoir des opinions différentes sur tous ces incidens orientaux, sur l’arrangement turco-bulgare, et porter leurs sympathies à Sofia ou à Belgrade ; mais, chez elles certainement, toutes les dissidences sont dominées aujourd’hui par la volonté de rétablir et de maintenir la paix de l’Orient. La Grèce en a en la preuve par les premières démonstrations dont elle a été l’objet, et ce qu’elle a de mieux à faire, c’est de profiter du répit que lui offre la chute de lord Salisbury en Angleterre, de se prêter de bonne grâce aux désirs de l’Europe pour n’être point exposée à subir des démonstrations nouvelles.

La crise ministérielle qui a suivi de si près la réunion du parlement, en Angleterre, et qui est à peine dénouée, n’a en sans doute rien d’imprévu ; elle était dans la logique des choses, elle ne pouvait être évitée. Le cabinet de lord Salisbury n’a combattu quelques jours que pour l’honneur. Même en obtenant, c’est-à-dire en achetant l’appui des Irlandais par des concessions, il aurait en encore beaucoup de peine à vivre ; dès qu’il a paru décidé à ne rien céder, à remettre au contraire en vigueur la politique de répression et de coercition en Irlande, il était condamné à disparaître à la première occasion. L’occasion n’a pas tardé ; les Irlandais se sont alliés aux libéraux pour frapper le dernier coup. Le cabinet conservateur est resté avec sa minorité, et c’est ainsi que le chef populaire de l’armée libérale, M. Gladstone, bien que chargé d’années, s’est trouvé encore une fois appelé à reprendre le pouvoir, à entreprendre une expérience nouvelle dans des circonstances qui ne laissent certainement pas d’être critiques pour l’Angleterre, pour le ministère même qui se charge des affaires.

Ce n’est pas d’ordinaire à l’approche de la quatre-vingtième année qu’on songe à aller toujours en avant, qu’on rêve de campagnes nouvelles et de témérités en politique. M. Gladstone, par le rôle actif et