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du Député de Bombignac, où M. Albin Valabrègue avait répandu sa verve naturelle ; on se tord, à la Renaissance, devant une Mission délicate, un imbroglio de M. Bisson, où les bonnes plaisanteries sont disposées selon les coutumes du genre. Au Palais-Royal, après le Mariage de Thérébin, une comédie avortée, où miroitait l’esprit de M. Bergerat, voici qu’on reprend la Boule, une des farces les plus fines de MM. Meilhac et Halévy. On reprend de même, à Cluny, Doit-on le dire ! de M. Labiche, et au Vaudeville, le Voyage de M. Perrichon. Cette dernière pièce, pour le constater en passant, paraît définitivement admise dans ce répertoire de second ordre, qui est le fonds commun de nos théâtres : elle y fait bonne figure, grâce à un thème comique d’une rare valeur ; il est fâcheux que les variations de ce thème soient un peu trop faciles et vulgaires, un peu monotones aussi et allongées d’une coda superflue, j’entends de cet épisode d’un duel ajouté aux deux histoires de sauvetage qui suffisent à présenter les deux faces du sujet. À cette comédie, qui passe pour la meilleure de M. Labiche, il serait peut-être équitable de préférer, au moins, le Plus Heureux des trois et Célimare le bien-aimé.

L’Odéon lui-même, après les émotions des Jacobites, veut s’égayer. Il ne se contente pas de nous offrir, pour l’anniversaire de la naissance de Molière, un opuscule de MM. Armand Ephraïm et Adolphe Aderer, la Première du Misanthrope, saynète supérieure à la moyenne des à-propos, discrètement inspirée d’un pamphlet de l’époque, la Fameuse Comédienne, et toute écrite — ce qui n’est pas commun — dans le ton le plus convenable au sujet. M. Porel reprend le Fils de famille, de Bayard et Biéville, et ce livret d’opéra comique, heureusement imaginé selon certaine convention, habilement conduit, gentiment dialogué, — agréable, en somme, à la manière d’une spirituelle et sentimentale estampe des environs de 1850, — ce livret sans mélodie ni orchestre, dépourvu même à présent de ses couplets, intéresse encore le public autant qu’il faut et le fait sourire de la bonne manière : M. Lafontaine, secondé de M. Dumény et Colombey et de Mme Léonide Leblanc, y est applaudi comme au temps jadis. Courage, messieurs les auteurs ! il n’est pas encore impossible de faire rire les honnêtes gens !

On le voit assez à la Comédie-Française : nous ne demandons qu’à nous amuser. Que reprochons-nous à M. Got, qui joue Annibal de l’Aventurière, — auprès de Mme Pierson, qui représente honorablement Clorinde ? — C’est d’attrister son rôle. Arboré sur l’ouvrage, le panache de ce matamore est le signe éclatant de la fantaisie qui a présidé à son exécution et corrigé ce que le sujet lui-même, tiré de la réalité moderne, avait de pénible : en rabattant ce plumet picaresque, M. Got a failli nous fâcher. Un vaudeville de M. Morand, l’Héritière, s’est