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les variétés trop accessibles par celles que l’on espérait trouver plus résistantes. Cette longue expérience démontre surabondamment qu’une vigne greffée peut vivre aussi longtemps qu’une vigne non greffée, et que cet arbuste n’échappe nullement aux règles qui s’appliquent aux végétaux greffés en général, ni à celles qui régissent les espèces sarmenteuses en particulier.

Toute cette classe d’arbustes (vignes vierges, bignonias) présente cette particularité que leur écorce, au lieu d’être épaisse, riche en sève et solide comme celle des pommiers, abricotiers, etc., est mince, sèche et fragile. Il s’ensuit que la greffe de la vigne ne réussit qu’exceptionnellement à l’air libre et demande au contraire à être pratiquée entre deux terres, situation qui donne lieu au phénomène de l’affranchissement du greffon.

Avant le phylloxéra, cet affranchissement du greffon était la règle et ne présentait aucun inconvénient ; au contraire, il venait en aide à la vigueur de la souche greffée. Lorsqu’il s’agit de greffons américains, nous retombons, malgré le phylloxéra, dans la situation qui donnait jadis de si bons résultats, c’est-à-dire que porte-greffe et greffon confondent leur action dans l’œuvre de la nutrition. Le phylloxéra et nos efforts vers l’œuvre de la reconstitution ont créé à la greffe deux nouveaux rôles : celui où le greffon américain vient s’approprier ce qui reste de vitalité à la souche française pour s’enraciner lui-même et survivre à sa nourrice, et celui où un greffon français est inséré dans une souche américaine et empêché d’émettre des racines condamnées d’avance à devenir la proie du phylloxéra, par conséquent à déséquilibrer la nutrition de ce plant à double origine.

Ces distinctions établies, nous plaçons la greffe affranchie d’espèces américaines sur porte-greffes américains parmi les certitudes absolues, et la greffe française sur porte-greffe américain résistant, à la première place parmi les quasi-certitudes. — Si nous ne rangeons pas ce procédé de reconstitution parmi les certitudes absolues, c’est à cause des insuccès partiels que de mauvaises applications lui attirent ; insuccès auxquels on ne peut opposer que des réussites encore trop jeunes pour vaincre les préjugés des désolés perpétuels qui forment une pesante arrière-garde au progrès. C’est sur ce procédé que la masse des vignerons de la nouvelle école a mis son espoir, malgré les doutes et les assertions, plus ou moins appuyées, dont les retardataires sèment leur route. Rien dans la logique ni dans l’expérience ne vient jusqu’ici à l’encontre de la durée indéfinie d’une greffe française bien soudée et non affranchie sur porte-greffe résistant. Il a été dit que le riparia, si vigoureux quand il atteint les cimes des grands arbres d’Amérique, s’étouffait