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sérieuse de ces diamans. La plupart de ces traités ne nous ont fait connaître que des anecdotes douteuses, sinon apocryphes, qui ont fini par devenir populaires, à force d’avoir été répétées.

Il y a deux ans, le gouvernement, désireux d’opérer la vente des joyaux de la couronne, avait confié à une commission extraparlementaire le soin de désigner celles de ces pierreries qui pouvaient présenter un caractère historique, pour les faire figurer à côté des merveilles réunies dans la galerie d’Apollon. La chambre des députés et le sénat, saisis ensuite d’un projet d’aliénation d’une partie de ces richesses, ont eux-mêmes nommé chacun une commission, chargée d’exprimer un avis sur la solution qu’il convenait d’adopter. Les rapporteurs de ces deux dernières commissions se sont bornés à reproduire, pour la partie historique, le texte du rapport de la première. Ce document ne fait remonter l’existence du trésor de la couronne qu’à l’année 1661, parce que c’est à cette époque que le cardinal Mazarin légua au roi Louis XIV quelques-unes de ces pierreries. Or, c’est en 1530 que le roi François Ier avait créé le Trésor des joyaux de la couronne.

Cent cinquante ans environ de l’existence de ces bijoux, c’est-à-dire la moitié de leur histoire, sont ainsi passés sous silence. Les rapporteurs ne savent comment l’état est devenu propriétaire de ces pierreries. Est-ce par donation ou par acquisition ? À quelles conditions entrèrent-elles dans le trésor de la couronne ? Quelle en était l’origine ? Aucune de ces questions n’est résolue, et cependant il existe dans les dépôts publics des documens qui attestent avec quelle légèreté les auteurs de ces rapports ont fait leurs recherches. Nous exposerons les circonstances qui ont présidé à la création du trésor de la couronne, et nous suivrons à travers les siècles ces pierreries devenues parties intégrantes de notre histoire. Tous les faits avancés seront justifiés par des pièces authentiques.

C’est entre deux revers, à un moment d’accalmie et à l’aurore de la renaissance, que fut créé le trésor des joyaux de la couronne : les pierreries qui, à l’origine, le composaient, ne servirent pas seulement de parure à nos reines : en plus d’une occasion, elles jouèrent un rôle plus important et rendirent d’éminens services politiques à la France. On verra qu’il s’en fallut de peu qu’on ne leur dût la conservation définitive de Calais en 1560. Plus tard, si Henri IV, dans les circonstances les plus difficiles, parvint à pacifier le pays et à en chasser l’étranger, ces pierreries ont encore été pour quelque chose dans le succès qui couronna son œuvre.

Après en avoir fait rapidement l’historique, nous montrerons que les faits énoncés dans les différens rapports des commissions d’expertise de la chambre des députés et du sénat sont inexacts :