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archives, comme toujours, en ont fourni la meilleure part, et, dans ces archives, la correspondance de nos ambassadeurs. La réalité de l’histoire a quelquefois de ces surprises. « Quand on songe à la cour du grand roi, disait un spirituel historien, il vient des idées de pompe et d’étiquette majestueuse. Tout au contraire, on n’y trouvait rien d’élégant qui ne fût leste ; » et pareillement, il faut avouer que les Courtin et les Grémonville ont traité les plus grandes affaires avec une désinvolture qui n’eut d’égale que leur habileté.

En écrivant jadis une excellente biographie d’Henriette-Marie de France, reine d’Angleterre, M. de Baillon s’était promis de nous raconter quelque jour, pour achever celle de la mère, l’histoire de la fille : Henriette-Anne d’Angleterre, duchesse d’Orléans. Après ce que tant d’autres en ont dit avant lui, il semblait à M. de Baillon qu’il y avait quelque chose encore à dire de « cette jolie, gracieuse et intelligente » Madame, comme l’a quelque part appelée Macaulay ; et la preuve qu’il ne se trompait point, c’est que lui-même, en quatre cents pages, n’en aura pas encore tout dit. J’aurais voulu d’abord qu’il soumit à une critique plus sévère les dominons qui servent à écrire l’histoire de Madame, et particulièrement celui dont on fait la règle et le juge des autres : l’Histoire d’Henriette d’Angleterre, par Mme de La Fayette. Ce petit livre est-il bien de Mme de La Fayette ? C’est une première question que je propose aux érudits. Elle est nouvelle ; mais tant de Mémoires, dans l’ample collection que nous en possédons, ne sont pas de l’auteur à qui l’on les donne ! Il y avait plus de vingt-cinq ans que Mme de La Fayette était morte lorsque parut en Hollande l’Histoire de Madame Henriette ; et de qui le libraire tenait-il le manuscrit ? en admettant d’ailleurs que le livre soit bien de Mme de La Fayette, quelles preuves avons-nous que Madame elle-même l’ait effectivement presque dicté ? L’auteur le dit, je le sais bien, mais de récentes publications nous ont appris à nous défier de Mme de La Fayette, à la voir tout au moins sous un aspect un peu différent de l’ancien. Dans cette Histoire qui nous viendrait d’elle, Madame tiendrait trop souvent un étrange langage, et, si vraiment il était authentique, les mémoires ou les pamphlets du temps n’auraient rien dit de plus fort contre elle qu’elle-même.

Un autre point sur lequel on aimerait qu’un historien de Madame eût insisté, c’est l’influence qu’elle exerça sur la direction du goût et de l’esprit français au XVIIe siècle. M. de Baillon nous rappelle que Molière dédia son École des femmes à Madame, Racine, son Andromaque, et nous dit quelques mots, en passant, de l’histoire des deux Bérénice. C’est Fontenelle, je crois, qui le premier, dans sa Cie de Corneille, a conté comment Madame se plut à mettre sur ce sujet galant les deux poètes aux prises : l’autorité paraît-elle suffisante ? Ni Corneille, qui était