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et sous tous les masques ; mais ne vous fiez pas aux belles paroles ; ce sont aujourd’hui les armes les plus acérées des contre-révolutionnaires ! .. »

Dans les premiers jours de juillet, nouvelle et plus vive insistance : « Sortez donc de votre léthargie, frappez un coup terrible sur Lyon et sur tous ses adhérens ; déclarez émigrés tous ces contre-révolutionnaires de l’intérieur. Déclarez que vous autorisez les communes à se partager leurs biens comme biens communaux. Un tel décret vaudra mieux que 100,000 hommes. » C’étaient là d’énergiques, de terribles conseils, et s’ils n’indiquent pas chez Dubois-Crancé beaucoup de sensibilité, si cette idée d’opposer à la contre-révolution la jacquerie montre bien de quels excès l’homme était capable ; en revanche, elle témoigne hautement en faveur de sa clairvoyance. Ici, comme tout à l’heure, dans la question de l’amalgame, il eut incontestablement le mérite de voir plus net et plus loin que la Convention et même que le comité de Salut public. Mais sa part, ainsi faite, et ce point une fois bien établi, cherchons maintenant si, dans la conduite des opérations, — car ce fut lui, en réalité, qui les dirigea, — il montra la même vigueur et le même coup d’œil que dans sa correspondance.

Assurément, les lenteurs de la Convention avaient eu les plus déplorables conséquences, et lorsqu’elle rendit, le 12 juillet, son décret, le mal avait déjà bien empiré. On ne pouvait plus désormais entrer dans Lyon sans coup férir ; il en fallait faire le siège et la ville, déjà forte par elle-même, avait en le temps de se mettre en sérieux état de défense : 20,000 gardes nationaux, appartenant, pour la plupart, à la classe moyenne et commandés par des chefs intrépides, presque tous anciens officiers, Perrin-Précy, le premier, un des héros du 10 août, de Virieu, de Nervo, de Grandval, de Grammont, de Lasalle, Clermont-Tonnerre, ses principaux lieutenans ; une nombreuse artillerie prise à l’arsenal, de nouvelles redoutes ajoutées aux anciennes et construites par un ingénieur fort expert, de grandes espérances, surexcitées par la faiblesse dont on avait fait preuve à leur égard, et, par suite, un moral excellent, tels étaient les moyens des insurgés lorsque les opérations commencèrent. Mais quand commencèrent-elles ? — la date est ici capitale, — le 24 août seulement, c’est-à-dire près de six semaines après le décret de la Convention. Le 16, Dubois-Crancé, pris d’un scrupule étrange et tardif, écrivait encore au comité que « l’assemblée devrait se contenter de la soumission des Lyonnais pour l’avenir et porter quelque adoucissement au décret du 12. » « — « Nous ferons notre devoir, ajoutait-il mélancoliquement ; nous ne pouvons qu’obéir et faire obéir ; mais nous ne répondons pas du dénouement ! » Le 21, de plus en