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guerre un état de la force armée de la république, détaillé par bataillon ancien et nouveau et par escadron de cavalerie. »

En même temps, il charge trois de ses membres « de s’entendre avec le comité de salut public pour la répartition de la levée prochaine, en partant de ce principe qu’il ne faut plus créer de nouveaux corps, mais compléter les anciens. »

« Présentez un travail, on examinera après, » répond le comité de salut public aux délégués du comité militaire.

C’était une fin de non-recevoir : Dubois-Crancé ne s’y trompe pas ; il sait qu’il a dans Barère un ennemi personnel, et Barère a entraîné Carnot, qui, n’en ayant pas en l’idée, ne veut pas entendre parler de l’amalgame. N’importe, il se met à l’œuvre, et dans l’espace de moins d’un mois, du 30 octobre au 24 novembre, le travail est terminé sur les bases suivantes : envoi de la nouvelle levée dans les anciens corps, fixation de la demi-brigade à trois bataillons dont deux de volontaires et un de ligne ; relèvement de l’effectif des compagnies de 86 à 123 hommes ; suppression des compagnies franches, etc… — Il ne restait plus qu’à préparer le rapport de ce projet : le choix de Dubois-Crancé s’imposait. Effectivement il est nommé. C’était le 24 novembre ; deux jours après, il était prêt et le comité adoptant ses conclusions, arrêtait le 19 décembre : 1° de proposer l’envoi aux armées de commissaires spéciaux pour l’embrigadement ; 2° qu’il n’y aurait qu’un représentant par armée ; 3° que Dubois-Crancé ferait une instruction générale sur l’embrigadement et sur un mode d’administration et de comptabilité uniforme pour tous les corps.

Tout semblait fini : l’intervention de Carnot remet tout en question. Le 25 décembre, invité à se rendre à la séance du comité militaire, il y prend la parole et, sans tenir compte de ses travaux, l’invite à examiner de nouveau « s’il est utile, dans l’intérêt de la république, de laisser subsister l’embrigadement ordonné par la loi du 21 février dernier. » Dans la bouche de Carnot et de la part du tout-puissant comité, une telle invitation ressemblait fort à un ordre. En effet, très peu de jours après, le projet de loi sur l’embrigadement était abandonné, l’hégémonie du bataillon rétablie, et le comité nommait un nouveau rapporteur à la place de Dubois-Crancé. En ce temps-là fort heureusement, la Convention n’était pas encore tout à fait subjuguée. Sans hésiter, Dubois-Crancé porte le débat devant elle et lui soumet son rapport. Bien de vif, de net et de concluant comme cette démonstration. On a dit que l’embrigadement des troupes était un acte de fédéralisme. Or quels ont été les plus acharnés adversaires de la loi du 21 février ? C’est précisément toute la clique girondine. Dans le comité militaire : Aubry,